L’expert militaire belgo-congolais a été condamné à la peine capitale avec 37 autres prévenus pour sa participation au coup d’Etat raté de mai 2024. Pourtant, les preuves avancées par le tribunal semblent bien mal ficelées, voire ubuesques.
Opacité, zones d’ombres, preuves bancales… La condamnation à la peine capitale de Jean-Jacques Wondo, chercheur belgo-congolais et spécialiste des questions sécuritaires en République démocratique du Congo (RDC), a de quoi interroger. Rien ne va dans les charges qui ont poussé le tribunal militaire congolais a déclaré coupable cet expert militaire pour son implication dans la rocambolesque tentative de coup d’Etat de mai dernier. Comment en est-on arrivé là ? Retour sur la chronologie des événements. Aux premières heures du dimanche 19 mai 2024, une quarantaine d’hommes en armes, drapeaux de l’ancien Zaïre à la main, investissent le Palais de la Nation après avoir attaqué la résidence du futur président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe. Ce qui ressemble à une tentative croquignolesque de putsch se termine par la liquidation du cerveau de l’aventure, Christian Malanga, et l’arrestation d’une cinquantaine de personnes.
Une photo aux côtés du cerveau du putsch manqué
Après la tentative de coup d’Etat avortée, une réunion est organisée dans les locaux de l’Agence national de renseignement (ANR), à laquelle participe Jean-Jacques Wondo. Ce spécialiste reconnu de l’armée congolaise et des questions de sécurité a été appelé en février 2024 à Kinshasa par le nouveau patron des renseignements, Daniel Lusadisu. L’expert belgo-congolais a pour mission de proposer des pistes de réforme de l’ANR, plus connue comme « police politique » et pour ses coups tordus que pour ses qualités de service secret. Le lendemain du coup d’Etat manqué, une photo de Jean-Jacques Wondo aux côtés de Christian Malanga circule sur les réseaux sociaux. Il est interrogé une première fois par l’ANR et laissé libre. Convoqué une seconde fois par la présidence, il sera interpellé par les renseignements militaires et incarcéré à la prison militaire de Ndolo.
Une Jeep, une chemise et des messages effacés
C’est alors que débute un procès aussi bien kafkaïen qu’ubuesque pour Jean-Jacques Wondo, qui contrairement à la majorité des autres prévenus n’a pas été interpellé sur les lieux de l’attaque. Les charges à l’encontre de l’expert militaire sont aux nombres de trois. On lui reproche tout d’abord d’avoir mis à la disposition des putschistes son véhicule de service de l’ANR. On l’accuse ensuite d’avoir porté à la réunion de l’ANR du 19 mai, une chemise identique à celle de la photo prise avec Christian Malanga… en 2016 ! Enfin, Jean-Jacques Wondo aurait, selon l’accusation, supprimé des messages de son téléphone « à l’insu de ses autorités hiérarchiques ».
Une voiture qui n’a pas bougé du parking
Concernant la voiture qu’auraient utilisée les membres du commando Malanga, la Jeep n’aurait, en fait, pas bougé du parking de l’hôtel où logeait Jean-Jacques Wondo, selon les deux portiers et le réceptionniste. Trois prévenus ont également indiqué que le véhicule Hyundai de l’expert militaire « n’avait jamais fait partie du convoi lors de la descente à la résidence de Vital Kamerhe et au palais de la Nation ». Pour les avocats de Jean-Jacques Wondo, « il serait donc très spectaculaire qu’il vienne ce même matin-là au palais de la Nation devant toutes les autorités, récupérer sa jeep et repartir chez lui pour après se rendre avec la même jeep à la réunion de crise à 11h à l’ANR ». Enfin, le véhicule du commando était noir, alors que celui du prévenu était gris.
La même chemise que sur une photo de 2016
La question de la chemise que portait Jean-Jacques Wondo le jour de la réunion à l’Agence nationale de renseignement, quelques heures après le putsch raté, constitue la charge la plus extravagante qui lui est reprochée. Selon l’accusation, le spécialiste militaire portait la même chemise que sur la photo où on le voit aux côtés de Christian Malanga, huit ans auparavant. Ses avocats ont indiqué que leur client portait un T-shirt vert le jour de la réunion, et « qu’il n’y a aucune infraction à mettre une même chemise au jour et date de sa convenance ». Au sujet de la fameuse photo, Christian Malanga faisait à cette époque le tour de la diaspora congolaise et s’est fait prendre en photo avec de nombreuses personnalités, dont certaines sont au pouvoir aujourd’hui.
Aucun échange avec les putschistes
Le tribunal reproche enfin la suppression de messages sur les téléphones de Jean-Jacques Wondo. Le ministère public et les experts mandatés n’ont pas réussi à confirmer que les données effacées étaient en lien direct ou indirect avec la tentative de coup d’Etat du 19 mai. Les téléphones de Christian Malanga qui ont pu être saisis ne montrent également aucun échange avec Jean-Jacques Wondo ou d’autres membres du commando. Pourtant, l’acte d’accusation présente l’expert militaire comme « le concepteur du coup d’Etat manqué ». Avec des éléments à charge aussi obscurs, le ministère des Affaires étrangères belge s’est dit lui-même « surpris » par la gravité de la condamnation « compte tenu du peu d’éléments fournis lors du procès ».
Victime d’une guerre des services de renseignements
Bruxelles suit l’affaire de très près. La ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, a exprimé son « inquiétude » face à la situation. L’Union européenne, tout comme la Belgique, ont dénoncé un « recul de l’État de droit » en RDC et réaffirmé leur « opposition à la peine de mort ». Pour les proches de l’expert, Jean-Jacques Wondo a été victime d’une guerre interne au sein de l’ANR, mais aussi de la concurrence avec les services du renseignement militaire, ex-DEMIAP. L’arrivée de ce spécialiste censé « humaniser » le renseignement congolais n’a pas été du goût de certains. Le patron de l’ANR, Daniel Lusadisu, a d’ailleurs été limogé après la tentative de coup d’Etat. Il a été remplacé par un « dur » de l’agence, Justin Kakiak, déjà en poste en 2019.
Eviter le pire
Dans ce contexte, on imagine mal comment Jean-Jacques Wondo se serait retrouvé au coeur de cette tentative grotesque de putsch, mal préparé, mal organisé, et qui n’avait aucune chance de réussir. Mais surtout, ce spécialiste des questions militaires, reconnu pour la finesse de ses analyses sur la situation politique et sécuritaire de la RDC, n’aurait jamais pu s’associer à une aventure aussi hasardeuse et anti-démocratique. Mais pour Jean-Jacques Wondo, son sort est inquiétant après sa condamnation. Le moratoire sur la peine de mort a, en effet, été levé par Kinshasa en mars dernier. Les exécutions capitales seraient donc en mesure de reprendre au Congo. Face à ce risque, la Belgique devrait peser de tout son poids diplomatique pour éviter le pire. L’avocat des prévenus de nationalité américaine, également condamnés à mort pour leur participation au coup d’Etat, a annoncé vouloir demander l’extradition de ses clients.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Vôtre but ultime, c’est d’avoir un pantin pro-occident au pouvoir en RDC. Vous feriez mieux de parler du jugement et de la condamnation à mort de Saddam Hussein ou de Kadhafi ou anciennement de Lumumba. Mais quoi qu’il en soit, le peuple congolais n’est plus naïf et n’est plus avec vous. Honte à vous.