De Mobutu à Kabila, l’éternel opposant Etienne Tshisekedi n’aura jamais pu accéder à la magistrature suprême. Il ne verra pas non plus la transition politique qui se met difficilement en place au Congo et qu’il devait diriger. Sa disparition ce 1er février d’une embolie pulmonaire à 84 ans va bouleverser et compliquer les négociations en cours à Kinshasa.
Figure emblématique de l’opposition congolaise et symbole de la résistance à la dictature de Mobutu et aux régimes des Kabila père et fils, Etienne Tshisekedi, et sa légendaire intransigeance, aura rythmé la vie politique de plusieurs générations de Congolais. Mais l’opposant historique et sa célèbre casquette n’aura jamais réussi à devenir président de la République démocratique du Congo (RDC). Car très souvent, le « Sphinx de Limete » aura été à contre-courant de l’histoire. Pour prendre la plus récente, il boycottera la première élection « démocratique » de 2006 qui légitimera Joseph Kabila au pouvoir, mais participera à celle de 2011, entachée de nombreuses irrégularités et interdira ensuite à ses députés de siéger à l’Assemblée. Il ne reconnaîtra pas le président Kabila, illégitime à ses yeux, avant d’entamer des tractations secrètes à Ibiza avec la majorité présidentielle pour partager le pouvoir. Il refusera le premier dialogue de l’automne, demandant à Joseph Kabila de démissionner à la fin de son mandat, avant d’accepter un second dialogue qui autorisera l’actuel chef de l’Etat à rester au pouvoir au-delà de son mandat constitutionnel. Une stratégie des plus floues qui a découragé nombre de ses soutiens. Mais Etienne Tshisekedi vant tout restera dans le coeur des Congolais comme « le président de l’opposition« . Ultra populaire, il le restera jusqu’à la fin, comme le démontrera son retour triomphal à Kinshasa en juillet 2016 après deux ans d’exil médical en Belgique – voir notre article. Il était le seul homme politique congolais à pouvoir encore déplacer des centaines de milliers de Congolais dans les rues.
« Un simple contrôle médical »
Finalement, c’est l’accord politique du 31 décembre 2016 qui signera la victoire du camp Tshisekedi et le grand retour du « vieux » puisqu’Etienne Tshisekedi se voit confier la présidence du Conseil national de suivi. Et que son fils, Félix, est proposé par le Rassemblement de l’opposition pour occuper la Primature. Mais la semaine dernière, alors que la mise en place de l’accord se fait toujours attendre et que la majorité présidentielle rediscute tous les points du document, Etienne Tshisekedi, à la santé chancelante depuis plusieurs année, quitte Kinshasa pour Bruxelles « pour un simple contrôle médical prévu de longue date« . Au Congo, tous le monde s’inquiète de l’absence du patron de l’opposition. Et déjà des voix discordantes se font entendre au sein du Rassemblement.
Une disparition… et des questions
Après la mort du chef, plusieurs questions restent en suspens. Qui prendra le leadership au sein de l’UDPS, le parti qu’il a fondé en 1982 ? Qui présidera le Rassemblement, la plateforme d’opposition créée autour d’Etienne Tshisekedi, de Moïse Katumbi et du G7 ? Que fera son fils, Félix, qui se serait bien vu prendre la tête du nouveau gouvernement de transition ? La disparition d’Etienne Tshisekedi augure de nombreux repositionnements politiques. Au sein de l’UDPS qui risque l’éclatement entre les différentes tendances, mais également au sein du Rassemblement. Concernant l’UDPS, les clés se trouvent entre les mains de Félix Tshisekedi et du tout jeune, mais très efficace, Jean-Marc Kabund, le nouveau secrétaire général du parti. C’est à eux qu’incombera la lourde tâche de recoller les morceaux entre les différents micros-partis proches de l’UDPS et éviter l’implosion. Félix Tshisekedi devra également faire d’autres choix cornéliens : occuper la présidence du Conseil de suivi, le poste de Premier ministre ou la présidence de l’UDPS ?
Quid du leadership du Rassemblement ?
Concernant le Rassemblement, l’entité signataire de l’accord politique de la Saint-Sylvestre, la situation est plus délicate. Avec la mort d’Etienne Tshisekedi, le leadership devrait naturellement revenir à Moïse Katumbi, co-fondateur de la plateforme et accessoirement son financeur. Mais l’ancien gouverneur du Katanga, candidat à la présidentielle, est toujours coincé en Europe, en exil judiciaire après sa condamnation à 3 ans de prison dans une rocambolesque affaire immobilière. Moïse Katumbi espère pouvoir bénéficier des mesures de décrispation politique conclues dans l’accord de décembre. Mais le camp présidentiel ne semble pas pressé de voir revenir au pays un concurrent politique. Si Katumbi peut compter sur le soutien du G7 au sein du Rassemblement, d’autres membres de la plateforme venus de la galaxie UDPS, ne voient pas d’un très bon oeil une possible reprise en main du mouvement par le riche homme d’affaires. En clair, une recomposition complète de l’opposition devra s’opérer dans les prochaines semaines. Mais le temps presse. L’accord politique n’est toujours pas appliqué, le gouvernement pas nommé et le calendrier électoral se rapproche à grands pas. L’élection présidentielle étant fixée pour décembre 2017. La mort de Tshisekedi complique donc la délicate équation politique à résoudre à l’issu de l’accord de la Saint-Sylvestre. Le président Joseph Kabila, qui lui, joue toujours la montre, espérant un nouveau report des élections, doit se frotter les mains.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
REP-
Ce qui compte, ce ne sont pas les années qu’il y a eu dans la vie.
C’est la vie qu’il y a eu dans les années.
-Abraham Lincoln-
Vs vs êtes precipité d’écrire mais vs n’avez les informations de fond en rapport avec le rassemblement, attendez une surprise, la mort est une decéption mais aussi un encouragement de tout un peuple, ns sommes africains
Analyse volontariste, mais hative. Au lieu d’etre un regal, la mort de ET pourrait plutot devenir un cauchemar pour la MP. Maintenant, la population risque de se soulever en l’absence d’un accord en bonn et due form, et ET jouait aux equilibristes. Cet equilibre a ete rompu. Il y a plus a craindre…
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» Le président Joseph Kabila, qui lui, joue toujours la montre, espérant un nouveau report des élections, doit se frotter les mains ».
C’est possible qu’il le fasse, mais la RDC compte encore des éléments qui ont l’esprit de Tshi-Tshi.
Et, tout le monde sait que le glissement est à combattre parce que vicieux.
Parfois vos analyses laissent vraiment un gout amere! pourquoi avez vous toujours tendance a donner l’impression de la force du cote de Kabila et la faiblesse du cote du peuple??? What’s really going on with you journos…what’s wrong in your head!!! Disappointing…shalom
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