Le réseau européen pour l’Afrique centrale (EurAc) demande à l’Union européenne (UE) et à ses états membres de geler « toute aide budgétaire au Rwanda et à limiter leurs interventions à des appuis programmes« . Un rapport de l’ONU accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, en guerre contre Kinshasa, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
L’Union européenne (UE) suivra-t-elle la décision de plusieurs Etats (Allemagne, Grande-Bretagne, Pays-Bas ou Suède) de suspendre son aide financière à Kigali pour son soutien à la rébellion du M23 ? C’est ce que demande, le réseau européen pour l’Afrique centrale (EurAc).
En juin 2012, un rapport du groupe d’experts de l’ONU avaient apporté « un nombre important de preuves convergentes » de l’aide logistique, en armes et en hommes, du Rwanda aux rebelles du M23 dans l’Est de la RDC. Ce groupe armé est en lutte contre le pouvoir central de Kinshasa qu’il accuse de ne pas avoir respecté les accords de paix du 23 mars 2009. Le M23 contrôle la zone frontalière de Bunagana avec l’Ouganda, la ville de Ruthsuru et menace de faire tomber la ville de Goma, la capitale régionale du Nord-Kivu.
L’EurAc rappelle qu’il y a peu de doute, d’après le rapport de l’ONU, sur la véracité de l’aide rwandaise au M23. Les experts ont affirmé avoir interviewé « plus de 80 déserteurs issus de la mutinerie contre les FARDC et des groupes armés congolais, y compris du M23, parmi lesquels 31 étaient des ressortissants rwandais« . Le rapport « présente des photos de caches d’armes, des documents officiels et des messages radio interceptés. Enfin, lorsque des personnes étaient nommées, le groupe d’experts a procédé à des vérifications auprès de 5 sources concordantes, considérées comme crédibles et indépendantes, au lieu des 3 sources exigées« , explique l’EurAc.
Le Rwanda a toujours démenti son soutien au M23 et Kigali a même publié « une réponse officielle » au rapport des experts, dénonçant des données « biaisées » et « invérifiables« , « ne tenant pas compte du point de vue rwandais« . Dans son communiqué, l’EurAc conclut « qu’il est fort peu probable que le contenu de l’additif (du rapport de l’ONU, ndlr) soit erroné et/ou falsifié comme l’affirme le Rwanda. L’argument selon lequel le Rwanda n’a pas été entendu n’est pas convaincant dans la mesure où le gouvernement n’a pas répondu à l’invitation qui lui avait été faite de donner son point de vue. A la lecture de la contre-argumentation avancée par le gouvernement rwandais, EurAc ne voit pas de raisons de douter de l’analyse présentée par l’additif. »
L’EurAc rappelle enfin que « ces dernières années, le rôle actif joué par le Rwanda dans les conflits armés en RDC a été largement documenté, notamment par l’ONU. Dans le rapport mapping de l’ONU publié en 2010, le Rwanda était accusé d’être impliqué dans les violences et atrocités commises en RDC entre mars 1993 et juin 2003. Aujourd’hui nous avons, comme en 2008, les preuves du soutien du Rwanda à des groupes rebelles opérant à l’Est de la RDC« . Et de conclure « qu’en dépit de ces accusations, un certain nombre de pays avait, à l’époque, continué à considérer le Rwanda comme un partenaire privilégié« .
Dernièrement, Washington, fidèle allié du Rwanda, a tout de même haussé le ton en décidant de suspendre son aide militaire à Kigali. Une sanction toutefois très limitée, puisqu’elle ne touche qu’une école de formation de sous-officiers, pour la somme assez modeste de 160.000 euros. Pas de quoi effrayer Kigali. Mais rapidement, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et Suède ont emboîté le pas. EurAc appelle donc l’Union Européenne et tous ses Etats membres à faire de même et de « suspendre définitivement toute aide budgétaire au Rwanda et à limiter leurs interventions à des appuis programmes« . Selon le réseau réseau européen pour l’Afrique centrale, « ces mesures constitueraient une première étape en vue d’une révision de la politique de coopération avec le Rwanda. L’Union Européenne et ses Etats membres devraient également prendre en compte la situation préoccupante en matière de démocratisation, de bonne gouvernance et de respect des droits humains« .
Concernant le soutien de Kigali aux rebelles du M23, le groupe d’experts de l’ONU doit rendre son rapport final en octobre 2012. En attendant, la situation militaire s’est figée sur le terrain. Le M23 parle de « trêve« . La rébellion se tient toujours à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia