Les deux experts de l’ONU et leurs quatre accompagnateurs congolais disparus le 12 mars au sud de Kananga n’ont toujours pas été retrouvés.
Plus le temps passe plus l’inquiétude grandit après la disparition de Michael Sharp, Zaida Catalán, deux experts de l’ONU, et de Betu Tshintela, interprète congolais, Isaac Kabuayi et deux autres chauffeurs congolais il y a maintenant deux semaines. Le groupe enquêtait sur les récents massacres au Kasaï. Et c’est près du village de Bunkonde, au sud de Kananga, qu’ils ont disparu le 12 mars dernier. Selon les autorités congolaises, les deux membres de l’équipe de l’ONU et leurs accompagnateurs sont « tombés entre les mains de forces négatives non identifiées ». La mission des Nations unies au Congo (Monusco) a immédiatement envoyé ses forces spéciales dans la région. Mais selon Human Rights Watch (HRW), « ces efforts ont souffert d’un manque de coopération de la part du gouvernement congolais. » Pour Ida Sawyer, responsable pour l’Afrique centrale de l’ONG, « le gouvernement congolais devrait coopérer pleinement avec l’ONU et les autres enquêteurs internationaux pour faire tout leur possible afin de ramener l’équipe en toute sécurité. »
La Monusco a d’ailleurs dénoncé ces entraves à sa mission qui « limitent la capacité de la Mission à mettre en œuvre son mandat. » HRW rappelle que c’est la première fois que des experts de l’ONU, qui travaillent depuis 2004 en République démocratique du Congo (RDC), sont portés disparus. Mais c’est aussi une première pour la province du Kasaï, réputée plutôt paisible avant l’été 2016 et la contestation du pouvoir central par les membres du chef traditionnel Kamuina Nsapu. Dans les Kivu, où des dizaines de groupes armés sont encore actifs, aucun expert de l’ONU n’a jamais été enlevé.
Le pouvoir central accusé d’exactions
Human Rights Watch note également que cette disparition « inquiétante » intervient alors que les forces de sécurité congolaises sont accusés d’avoir répondu à la milice de Kamiuna Nsapu « avec une force excessive, tirant sans nécessité sur des membres ou des partisans présumés de la milice, notamment des femmes et des enfants. » Plusieurs fosses communes ont été récemment découvertes – voir notre article. Et cinq vidéos montrant des soldats tirant sur des membres de la milice désarmés ou peu armés, notamment de nombreuses femmes et enfants, ont été diffusées sur internet et les réseaux sociaux. Kinshasa serait donc peu enclin à ce que des experts de l’ONU viennent enquêter sur place.
« La disparition de l’équipe de l’ONU reflète le tableau plus global des violences et des abus perpétrés dans la région du Kasaï » explique Ida Sawyer. « Le Conseil des droits de l’homme devrait mettre en place une commission d’enquête sur les abus commis dans la région dans les plus brefs délais. Des efforts concertés sont nécessaires de toute urgence pour faire face à cette situation de plus en plus désespérée. » Pour le moment, l’enquête est toujours au point mort.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia