Les atteintes à la liberté de la presse ont connu un pic sans précédent cette année en République démocratique du Congo (RDC), selon Journaliste en Danger (JED). Une situation qui s’aggrave à mesure que le pays s’enfonce dans une crise politique profonde.
2017 a encore été une année noire pour les journalistes en RDC. L’ONG congolaise Journaliste en Danger a recensé 121 cas de violation de la liberté de l’information, contre 86 l’année précédente. Pour expliquer cette répression accrue sur les journalistes, JED dénonce une grave crise politique et sécuritaire depuis le report de l’élection présidentielle et la fin du mandat du président Kabila en décembre 2016. Une crise que l’opposition congolaise estime « instrumentalisée » par Joseph Kabila pour se maintenir au pouvoir. Les mobilisations populaires pour demander le départ du président congolais ont toutes été réprimées dans la violence par les forces de sécurité.
Des médias muselés
Les manifestants ne sont pas les seuls à être victimes de la police congolaise, les journalistes sont également devenus des cibles de choix. A Goma, dans la province du Nord-Kivu, trois journalistes de Pole FM, Radio Okapi (la radio onusienne) et Picture Tank ont été physiquement agressés, le12 avril 2017, par un officier de la police nationale congolaise alors qu’ils couvraient une manifestation pacifique organisée par le mouvement citoyen « Lutte pour le Changement » (LUCHA). « En dépit des dénonciations, l’officier n’a jamais été inquiété » se désole Journaliste en Danger. A Kinshasa en mai 2017, c’est une équipe de correspondants de TV5 monde qui a été « sérieusement violentée par un groupe d’éléments de la police qui ont, par la suite, confisqué leurs matériels ».
Certains médias font également les frais de cette répression tout azimut contre la presse. A l’Est du pays, Radio Moto Butembo Beni « a été pillée et saccagée par un groupe de militaires des FARDC qui ont emporté tous le matériel relais de ce média ». Des organes de presse réputés proches d’opposants au président Kabila ont été fermés ou inquiétés par les services de l’Etat. Les médias internationaux ont également été touchés par la censure. Le signal de Radio France International (RFI) a été coupé le 5 novembre 2016 dans tout le pays. Si les émissions ont été rétablies deux jours plus tard à Lubumbashi, le média est resté inaccessible à Kinshasa pendant près… de neuf mois ! Même punition pour Radio Okapi, toujours le 5 novembre 2016, son signal a été brouillé par les autorités congolaises. Un brouillage des émissions qui correspondait avec des manifestations organisées par l’opposition pour protester contre le report de l’élection présidentielle.
« Un système de répression mis en place par les autorités »
Les réseaux sociaux ne sont pas en reste : les compagnies de télécommunications ont reçu, le 14 décembre 2016, une lettre de l’Autorité de Régulation des Postes et des Télécommunications (ARPTC) leur intimant l’ordre « de bloquer l’accès aux réseaux sociaux à partir du 18 décembre 2016 à minuit, et de suspendre l’accès à internet si le blocage ciblé n’était pas possible ». Idem le 7 août 2017, où l’ARPTC a demandé aux opérateurs de « prendre des mesures techniques préventives susceptibles de réduire au strict minimum la capacité de transmission des images ». « Une demande formulée la veille d’une grande marche de l’opposition » souligne Journaliste en Danger.
Selon l’ONG, « la montée en force des cas d’attaques et des violences enregistrées cette année, de même que l’impunité dont jouissent des personnes identifiables qui s’en prennent aux journalistes et aux médias, font partie d’un système de répression mis en place par les autorités congolaises, et qui vise à empêcher les journalistes nationaux et étrangers d’être des témoins gênants de la dérive autoritaire qui s’installe petit à petit dans le pays ». Une répression qui devient « systématique et sans complexe ». Journaliste en Danger demande à la communauté internationale « d’accentuer les pressions sur le gouvernement congolais, et d’envisager des sanctions ciblées contre les responsables des exactions contre la presse ».
Christophe RIGAUD – Afrikarabia