Une semaine après l’annonce du retrait de l’AFC/M23 d’Uvira, les affrontements se poursuivent et les rebelles sont toujours présents autour de la ville et de ses collines. Un redéploiement stratégique qui continue de mettre à mal l’accord de paix, encore très virtuel, entre la RDC et le Rwanda.

Les rebelles de l’AFC/M23 restent toujours maître du terrain et du calendrier au Sud-Kivu. Les rebelles sont toujours visibles dans l’agglomération d’Uvira et se sont même positionnés sur les hauteurs environnantes, encerclant ainsi la deuxième ville du Sud-Kivu. Des affrontements sporadiques sont régulièrement signalés au Sud de l’agglomération, près du port et du lac Tanganiyka et sur les hauteurs. Pourtant, la colère de Washington suite à la chute d’Uvira quelques jours après la signature de l’accord de paix entre Kinshasa et Kigali avait forcé la rébellion à faire un geste significatif. Un communiqué, signé par Corneille Nangaa, a alors annoncé le retrait des rebelles, suscitant un éphémère contentement de Kinshasa. Mais le document conditionnait le retrait de l’AFC/M23 à la démilitarisation de la zone, à la protection des populations et au déploiement d’une force neutre pour surveiller le cessez-le-feu. Autant dire que les exigences des rebelles auraient dû mettre la puce à l’oreille de Kinshasa sur un processus qui s’annoncerait long et complexe à mettre en place. Une semaine après, le constat est sans appel. L’AFC/M23 dicte toujours son agenda.
Les bombardements répétés de Kinshasa autour de Minembwe
Pour une fois, l’armée congolaise est sortie de son silence pour dénoncer « un coup médiatique », et un « subterfuge » des rebelles. Des combats entre l’armée régulière (FARDC) et l’AFC/M23 sont même signalés par Kinshasa vers Baraka à 35km au Sud d’Uvira, démontrant ainsi que les rebelles poursuivent leur percée vers Kalemie et le Grand Katanga. De leur côté, l’AFC/M23 justifie sa présence autour d’Uvira par les bombardements répétés de l’aviation et des drones congolais contre les populations civiles de la zone de Minembwe, où vit une forte communauté tutsi, que la rébellion explique vouloir protéger. Militairement, l’objectif de l’AFC/M23 est également de pouvoir effectuer la jonction avec les groupes armés locaux twirwaneho de Minembwe.
Les colères de Washington sur Kigali
Les Etats-Unis avaient pourtant sérieusement haussé le ton après la prise d’Uvira par les rebelles, qui constituait un véritable affront pour Washington. Marco Rubio s’en était pris fermement au Rwanda, dont les actions « constituent une violation flagrante des accords de Washington signés par le président Trump », et annonçait vouloir prendre des mesures « pour garantir le respect des promesses faites au président ». L’ambassadeur américain Mike Walz, devant le Conseil de sécurité des Nations unies, avait fini d’enfoncer le clou, indiquant que Kigali était « étroitement impliqué dans la planification et l’exécution de la guerre dans l’est de la RDC, fournissant depuis des années des directives militaires et politiques aux forces du M23 et à l’AFC », estimant que « le Rwanda conduit la région vers une instabilité et une guerre accrues ». Le redéploiement stratégique de l’AFC/M23 autour d’Uvira une semaine après l’annonce du retrait a de nouveau suscité l’ire de Washington, indiquant que « l’engagement pris par le M23 à se retirer de la ville d’Uvira ne suffit pas », et que les rebelles « doivent immédiatement se retirer à 75km d’Uvira », c’est-à-dire jusqu’à Kamanyola, la position qu’ils contrôlaient depuis février 2025.
Laisser passer la tempête américaine
L’implication de Washington et ses multiples avertissements, suffiront-ils à faire reculer les rebelles ? Pour l’instant, l’AFC/M23 tient toujours la dragée haute à l’armée congolaise et ses groupes armés supplétifs, et a rempli une partie de ses objectifs en faisant tomber la ville d’Uvira. Tout d’abord continuer à mettre la pression sur Kinshasa à Doha en poursuivant son offensive vers le Sud ; puis repousser l’armée burundaise, alliée de la RDC, dans ses frontières : et enfin tenter de rejoindre les Hauts plateaux et ses groupes armés « amis ». Le jeu du chat et de la souris au Sud-Kivu permet aux rebelles de gagner du temps et de laisser passer la tempête américaine. Les récents combats sur les Hauts plateaux de Minembwe contre la communauté rwandophone donne un argument supplémentaire à l’AFC/M23 pour investir la zone et s’y implanter durablement.
Laisser Trump se lasser
Washington sait maintenant qu’il va falloir manoeuvrer d’une autre manière pour imposer la paix à l’Est de la RDC. C’est-à-dire « taper plus fort », notamment avec des sanctions, ou s’investir plus avant dans le processus de Doha, qui reste la clé pour faire baisser la tension. Sinon, le temps risque de jouer en faveur des rebelles qui ont les capacités militaires de tenir le terrain sur le temps long, et de laisser Donald Trump se lasser d’un conflit qui ne peut se résoudre à coups de deals économiques. Entre-temps, la pression des rebelles vers le Sud et la riche province minière du Katanga pourrait également faire vaciller le président congolais Félix Tshisekedi, en tapant l’Etat congolais au portefeuille, et remettre ainsi en cause les deals miniers tant convoités par Donald Trump.
Christophe Rigaud – Afrikarabia


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