Le nouveau rapport de l’ONU souligne « le rôle déterminant » du Rwanda dans la conquête des territoires par les rebelles du M23. Il pointe aussi la marginalisation de Corneille Nangaa par Kigali, le possible retour de Laurent Nkunda et la volonté du M23 et du Rwanda « de ne pas quitter les zones occupées ».

Tous les six mois, le groupe d’experts de l’ONU publie un rapport détaillé et documenté sur la situation sécuritaire à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Après la signature de l’accord de paix entre Kinshasa et Kigali, le 27 juin dernier à Washington, sa publication, qui sera rendue publique très prochainement, est particulièrement scrutée. Depuis son dernier rapport de décembre 2024, le conflit à l’Est du pays a pris une tournure inédite avec la chute des deux capitales provinciales du Nord et Sud-Kivu dans les mains du M23. Goma et Bukavu sont désormais contrôlées par la rébellion, soutenue par le Rwanda voisin. Et c’est justement sur le soutien de Kigali au M23 et la présence de soldats rwandais sur le sol congolais que le rapport onusien est attendu. Dans les éléments que nous avons pu consulter, les experts estiment, sans surprise, que l’armée rwandaise « a joué un rôle déterminant dans la conquête et l’occupation de nouveaux territoires et de villes ». Depuis la résurgence du M23, fin 2021, les précédents rapports ont toujours largement documenté l’aide rwandaise au M23, grâce à des prises de vues et des photos par drones, ainsi qu’à des témoignages et du renseignement. Kigali a toujours nié son soutien à la rébellion et sa présence au Congo.
James Kabarebe, « coordonnateur » des opérations
En lisant le nouveau rapport de l’ONU, on comprend que la prise rapide de ces vastes territoires par le M23 n’a été possible que grâce à l’aide en renseignements, en armes, drones, systèmes de brouillage, équipements et formation militaire, de l’armée régulière rwandaise. Entre janvier et mai 2025, au plus fort de l’offensive rebelle, « jusqu’à 6.000 soldats rwandais, dont des forces spéciales, auraient été déployées au Nord et au Sud-Kivu ». A la manoeuvre, les experts onusiens pointent James Kabarebe, l’ancien ministre de la Défense aujourd’hui à la Coopération régionale, comme le « coordonnateur » de ces opérations. Il faut dire que ce proche du président Paul Kagame connaît parfaitement bien les Kivu pour avoir participé à la première guerre du Congo en 1996. Aujourd’hui, entre 1.000 et 1.500 soldats rwandais seraient encore présents dans les zones contrôlées par le M23, le reste se tenant le long de la frontière, prêts à être déployés.
Des hauts gradés rwandais cités
Le rapport estime ensuite que « les dirigeants militaires et politiques de l’AFC/M23 ont continué de recevoir des instructions et le soutien du gouvernement rwandais et de ses services de renseignement ». Fred Ngenzi Kagorora et le général de brigade Patrick Karuretwa sont cités par les experts pour « avoir maintenu des contacts fréquents avec Sultani Makenga, Bertrand Bisimwa et le « colonel » Imani Nzenze », les figures-clés, militaires et politiques du M23. Plusieurs hauts gradés rwandais sont également désignés pour participer aux opérations au Congo, comme les généraux Vincent Nyakarundi et Patrick Karuretwa. Comme dans les précédents rapports, les experts notent que l’armée congolaise continue de collaborer avec les FDLR qui ont noué des relations étroites avec certains groupes Wazalendo, qui servent de supplétifs aux forces régulières. Ironie du sort, Kigali aurait utilisé des ex-combattants FDLR pour des missions de renseignement au Congo.
Corneille Nangaa marginalisé
L’enquête de l’ONU apporte un éclairage intéressant sur les relations entre le Rwanda et l’AFC/M23. Les experts onusiens pointent des tensions entre Kigali et Corneille Nangaa, le coordonnateur de l’AFC dont est membre le M23. Vitrine « congolisée » de la rébellion, l’ancien patron de la Commission électorale (CENI) « a été progressivement mis à l’écart par le Rwanda ». « Ce changement s’explique principalement par l’ambition personnelle de Nangaa de prendre le pouvoir à Kinshasa par la force. Si le Rwanda et le M23 souscrivaient à l’idée d’un changement de régime, ils n’étaient pas favorables à une campagne militaire visant Kinshasa ». Au sein même de l’AFC/M23, des nominations internes contestées et le retour de l’ancien président Joseph Kabila en territoire rebelle ont créé d’importantes frictions dans le mouvement.
Kabila, Katumbi, Numbi, en contact avec Nangaa
Pourtant, l’AFC/M23 a tenu toutes ses promesses pour faire de nouvelles recrues dans les groupes armés rivaux. « L’engagement de l’AFC/M23 d’unifier les groupes armés et les acteurs politiques s’est concrétisé, notent les experts onusiens. Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, plusieurs groupes armés dont d’anciens groupes Wazalendo ayant changé d’allégeance suite à la progression rapide de l’AFC/M23 ont décidé de rejoindre l’AFC/M23. Si des poids lourds politiques et militaires dont Joseph Kabila, Moïse Katumbi et John Numbi ne se sont pas officiellement ralliés à l’AFC/M23, ils ont été en contact régulier avec Nangaa, Kigali et Kampala », ajoute le rapport.
Laurent Nkunda, le retour ?
Depuis maintenant presque six mois, l’AFC/M23 gère et administre de vastes territoires. On parle de 35.000 km2. Avec l’accord de paix du 27 juin entre Kinshasa et leur parrain, Kigali, le mouvement arrive à un tournant stratégique. Et c’est souvent là que les problèmes commencent. « Les divisions se sont ravivées entre les factions historiques rwandaises et ougandaises » du M23, qui avaient explosé après leur défaite de 2013. « Afin de restaurer la cohésion et de renforcer le soutien populaire à l’AFC/M23, indique le rapport, le gouvernement rwandais aurait prévu de nommer Laurent Nkunda sous le coup de sanctions, à un poste important au sein de l’AFC/M23 ». Figure emblématique du CNDP, ancêtre de la rébellion du M23, Laurent Nkunda avait été arrêté en 2009 au Rwanda et placé en résidence surveillée. Son retour au sein de M23 signerait un indéniable durcissement du mouvement, notamment pour conserver les territoires conquis.
« Le M23 ne quittera pas les zones occupées »
On sent désormais que l’objectif de Kigali est de capitaliser la conquête des territoires du Nord et du Sud-Kivu. Selon le rapport de l’ONU : « Les dirigeants du M23 et le gouvernement rwandais ont clairement indiqué que le M23 ne quitterait pas les zones occupées, quelle que soit l’issue des négociations. “Le temps des accords est révolu“, disent-ils ». D’autant que les prises de Goma et Bukavu avaient été planifiées par Kigali. « Une semaine avant l’attaque de Goma, des responsables rwandais ont confidentiellement informé le groupe d’experts que le président Paul Kagame avait décidé de prendre immédiatement le contrôle de Goma et de Bukavu ».
Un rapport qui « déforme les préoccupations sécuritaires » de Kigali
Ce nouveau rapport de l’ONU semble accréditer désormais la stratégie de Kigali de vouloir administrer militairement, politiquement et économiquement les Kivu. Ce que réfute Kigali. Selon Yolande Makolo, la porte-parole du gouvernement, « le Rwanda n’a aucune ambition territoriale ni aucune revendication sur quelque partie que ce soit de la RDC ». Et de précisé que ce rapport « déforme délibérément les préoccupations sécuritaires de longue date du Rwanda liées à la menace persistante des FDLR et de leurs groupes affiliés, qui nécessite un dispositif défensif dans nos zones frontalières ». Et surtout, « il confirme le soutien de l’État congolais à la milice génocidaire des FDLR et la dépendance de l’armée congolaise à l’égard des FDLR comme force de combat de première ligne ».
Christophe Rigaud – Afrikarabia
« Les Experts » dont à sa tête une belge découvre que Le Rwanda veut coloniser la RDC, parole d’une belge!
J’ai l’impression que l’Europe et l »ONU via le Monusco sont hors jeux dans cette affaire.