Lors d’un colloque à Sciences-Po, l’ancien chef d’état-major s’est fait le porte-parole de l’Élysée qui, a-t-il fait comprendre, renoncerait à déclassifier les documents secrets sur l’implication de Paris dans le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994. Peu après l’Elysée faisait savoir que Emmanuel Macron ne se rendrait pas à Kigali pour la XXVe Commémoration.
Déclassifier les archives secrètes sur l’implication de Paris dans la guerre civile au Rwanda entre 1990 et 1994. C’était l’une des promesses d’Emmanuel Macron. Né en décembre 1977, le chef de l’Etat français avait à peine 17 ans lors du génocide des Tutsi. A la différence de son prédécesseur François Hollande, il ne se sent en rien responsable de la tragédie, ni lié par le secret des archives d’Etat françaises. Or, la question est pendante depuis un quart de siècle : un lobby politico-militaire à l’Élysée avait-il profité de la maladie de Mitterrand pour imposer son terrible Kreigspeil au cœur de l’Afrique ? Une expédition coloniale d’un autre âge dont le point d’orgue a été l’extermination d’environ huit cent mille Tutsi et des dizaines de milliers de Hutu démocrates en moins de cent jours ? Un crime de complicité de génocide dans ce qui est l’une des pires tragédies de l’histoire mondiale du XXe siècle ? Et une responsabilité qui apparaîtrait clairement en cas de déclassification des documents de l’époque, toujours estampillés « Secret-Défense » ?
Les premiers gestes de Paris vers Kigali
En 2018, le président français avait multiplié les signes d’apaisement envers Kigali, au nom d’un impératif de vérité : rencontres avec le président Paul Kagame et soutien de Paris à la candidature de la Rwandaise Louise Mushikiwabo à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Une initiative qui lui avait valu de nombreuses critiques du fameux lobby politico-militaire, émanant notamment des réseaux tentaculaires de Hubert Védrine – secrétaire général de l’Élysée à l’époque du génocide. Emmanuel Macron n’en avait cure.
La suite de l’agenda semblait écrite d’avance : non-lieu judiciaire dans l’enquête sur les responsabilités militaires françaises dans le sauvetage tardif des rescapés tutsi de Bisesero, non-lieu dans l’enquête impliquant des militaires rwandais dans l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, geste fort du président français pour la vingt-cinquième commémoration du génocide, le 7 avril 2019 à Kigali ; agrément d’un ambassadeur de France à Kigali. Et large ouverture des archives françaises à une commission d’historiens, préalable à une éventuelle communicabilité au public.
Lanxade mange le morceau
Mais la crise des Gilets jaunes a transformé l’agenda présidentiel en château de cartes. Plus question de susciter la colère des anciens militaires de l’Opération Turquoise en remuant les complicités de Paris dans le génocide. Emmanuel Macron doit consacrer la quarantaine de mois qui le séparent de la prochaine présidentielle à survivre politiquement. A peine le gouvernement avait-il annoncé que des militaires protègeront les ministères des « Gilets jaunes » et des casseurs, que l’Élysée faisait savoir qu’il n’était plus question de se rendre à Kigali. Et la veille, l’amiral Lanxade a « mangé le morceau » : l’Elysée renoncerait à ouvrir les archives secrètes sur le rôle de Paris au Rwanda entre 1990 et 1994.
Lanxade : « La question des archives est fondamentale, pas seulement les archives de la France, mais les archives des Etats-Unis et les archives du FPR »
Jacques Lanxade a été successivement chef de l’État-major particulier du président Mitterrand (1989-1991) et chef d’État-Major des armées (1991-1995). Cet homme alerte malgré ses 84 ans révolus était l’invité de Sciences Po Paris le mercredi 20 mars pour un débat sur le thème « La France au Rwanda, l’opération Turquoise en question ». Il devait être confronté avec le lieutenant-colonel Guillaume Ancel, ancien officier de la Force d’Action Rapide, qui apporte un témoignage personnel sur l’implication de l’Elysée auprès du gouvernement génocidaire, notamment par des livraisons d’armes en violation de l’embargo de l’ONU. Un débat à fleurets mouchetés dont les spectateurs n’ont pas forcément relevé toutes les nuances. Après avoir répété la position officielle de Paris, l’amiral Lanxade a dit que « la question des archives est fondamentale, pas seulement les archives de la France, mais les archives des Etats-Unis et les archives du FPR ». Sous-entendu, que toute le monde, à commencer par les Américains, ouvre ses archives. Comme si la question n’était pas le rôle de Paris dans le génocide des Tutsi.
Jacques Lanxade a évoqué « la commission d’historiens » prévue pour se pencher sur la question des archives secrètes de Paris. Il a laissé comprendre qu’il en savait beaucoup sur cet dispositif. Et que le « lobby militaire » – une expression qu’il récuse -, avait la haute main sur l’agenda de cette « commission d’historiens », pour autant qu’elle soit effectivement créée. On comprend à l’entendre qu’elle n’aura pas de grain à moudre…
Ses déclarations ont suscité un certain malaise, car cet homme qui dirigea l’armée française voici un quart de siècle se pose non seulement comme le gardien du Temple, mais comme une porte-parole de l’Élysée,
Pour Jacques Lanxade, il n’y a rien à dévoiler, car rien n’a été caché dans le processus décisionnaire sur le Rwanda. Les décisions étaient prises dans les « conseils restreints de Défense » créés à son initiative après la guerre du Golfe. Selon l’amiral, le processus était donc impeccable et transparent. Dommage qu’il y ait eu un génocide que Paris n’aurait pas vu venir ni pu stopper à temps…
Nous avons interrogé l’historien Stéphane Audouin–Rouzeau sur les affirmations de l’amiral. Directeur d’études à l’EHESS, Stéphane Audouin–Rouzeau était, selon nos informations, pressenti pour présider la commission d’historiens. « Je n’ai aucun commentaire à faire », nous a-t-il laconiquement répondu.
L’Éysée se contenterait finalement d’envoyer au Rwanda Hervé Berville pour les vingt-cinquièmes commémorations. Ce jeune tutsi rescapé du génocide, devenu Français, est député de la deuxième circonscription des Côtes-d’Armor et porte-parole du groupe parlementaire La République en marche à l’Assemblée nationale. Fin des ambitions de transparence, retour au vague registre compassionnel et aux promesses non tenues style François Hollande…
Jean-François DUPAQUIER
Il y a eu 3 génocides dans cette région des Grands Lacs :
– Celui des tustsi par les hutu;
– Celui des hutu par les tutsi;
– Celui des congolais par les tutsi. Et celui-ci est toujours en cours dans l’Est de la RDC.
Les tutsi du Rwanda sont une minorité opprimante.
Sauf que le premier est un fait historique et les deux autres sont ta propre fiction
@Karegire
N’oubliez pas néanmoins, mon cher Mr, que « l’histoire est écrite par les vainqueurs ». Loin de moi de nier l’horrible génocide de 1994 au Rwanda qui a vu des Rwandais s’entretuer entre eux à l’instigation manifeste d’un gouvernement pro-Hutu mais qu’en est-il de toute la vérité des faits ?
Vous admettrez qu’elle est entre la version des Tutsi et pro-Tutsi victimes mais qui pour la première fois dans un génocide se sont battus sur le terrain contre leurs bourreaux et les ont gagnés et celle de leurs anciens tortionnaires qu’ils ont vite vaincus avec l’aide de toute la terre.
Souffrez alors d’admettre quoique cela puisse vous en coûter que la version officielle du génocide rwandais soit d’abord celle des vainqueurs Tutsi et comprennez aisément que la version de trois génocides dans les Grandes Lacs de votre interlocuteur même absente aujourd’hui des livres d’histoire n’est pas pour autant une fiction comme vous le décrétez.
Moi je peux vous assurer d’une chose : j’ai subi en tant que Congolais le génocide du régime rwandais tutsi de Kagame !
Le fait d’envoyer à Kigali un représentant personnel d’Emmanuel Macron pour la 25 ème commémoration du génocide des Tutsi est déjà en soi un geste positif. Le choix d’une personnalité, comme le député Hervé Berville, lui-même rescapé de ce génocide, montre à l’évidence le souci de l’Elysée de partager le douloureux souvenir et la mémoire des victimes de ce crime contre l’humanitè. Ceci n’exclut pas d’autres gestes décisifs pour l’avenir. Mais sans doute le moment le mieux indiqué n’est pas pour ce printemps si agité en France. Ce qui peut se comprendre.
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