Toujours plus de groupes armés. Toujours plus de réfugiés. Une crise de grande ampleur menace la République démocratique du Congo (RDC).
Tous les voyants sont au rouge en RDC. Chaque jour plus de 5.000 personnes fuient leurs habitations, portant à 4 millions le nombre de déplacés. « Une méga crise » pour Ulrika Blom, directrice du Conseil norvégien pour les réfugiés en RDC, « du jamais vu, dépassant la Syrie, le Yémen et l’Irak ». Mais ce n’est pas tout. 7 millions de Congolais sont en insécurité alimentaire, et selon l’Unicef 400.000 enfants sont sévèrement malnutris et risquent de mourir au Kasaï, une des nombreuses régions d’instabilité du pays. Et comme si cela ne suffisait pas, une épidémie de choléra touche 23 des 26 provinces, causant, pour l’instant, un peu plus de 1.000 décès.
Comment en est-on arrivé là ? Depuis plusieurs années, les ONG s’alarment régulièrement de la dégradation de la situation humanitaire en RDC. Mais à force de tirer sur le signal d’alarme, la sonnette semble s’être cassée, et le train Congo continue de s’enfoncer dans les ténèbres. En cause, l’insécurité et les multiples groupes armés qui pullulent en RDC depuis plus de 20 ans.
132 groupes armés toujours actifs dans les Kivus
Dans ce pays de tous les (tristes) records, les rébellions de tous poils prospèrent. Début décembre, un baromètre sécuritaire des Kivus, l’une des régions les plus instables de RDC, a vu le jour. 14 chercheurs du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et de Human Rights Watch (HRW) se sont employés à cartographier les violences au Nord et Sud-Kivu. Leurs recherches a répertorié « 526 civils tués et au moins 1.087 personnes enlevées ou kidnappées entre juin et novembre 2017 ».
Mais ce que relève cette étude, c’est le nombre exponentiel de groupes armés : 132 ont été recensés ! C’est le double d’il y a un an. Pour les chercheurs, cela s’explique par la fragmentation de ces groupes, qui sont en général de petites tailles ; mais aussi par la politisation des mouvements armés. « Ce n’est pas surprenant que l’agitation politique actuelle entourant le report des élections ait de plus en plus d’incidences sur les dynamiques de conflit » notent les chercheurs.
Une solution politique ?
Cette crise sécuritaire et humanitaire est en effet largement nourrit par une interminable crise politique. Depuis la réélection contestée de Joseph Kabila en 2011, entachée d’irrégularités et de fraude massive, le président congolais cherche à contourner la Constitution qui lui interdit de briguer un nouveau mandat. Le chef de l’Etat finira pour opter pour une stratégie des plus dangereuses : retarder le processus électoral pour se maintenir au pouvoir. Il repoussera par deux fois la présidentielle, en 2016, puis en 2017, plongeant la RDC dans une grave crise politique, assortie d’une répression féroce et sanglante contre toute opposition.
Crise politique, crise sécuritaire, crise humanitaire, le cycle de la violence et de ses conséquences désastreuses pour les populations civiles semble bel et bien enclenché en République démocratique du Congo. Que faire pour l’arrêter ? Sans aucun doute faire baisser la tension politique, à l’origine des violences. Et pour cela, la solution se trouve entre les mains du président Joseph Kabila dont l’opposition réclame le départ. Mais pour l’instant, le scrutin est de nouveau reporté aux calendes grecques et Joseph Kabila, toujours au pouvoir, ne semble pas encore décidé à le lâcher.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia