En sous-traitant sa lutte contre les rebelles du M23 à des groupes armés Wazalendo indisciplinés et incontrôlables, le président congolais Félix Tshisekedi joue avec le feu. Un rapport pointe les risques de renforcement des groupes armés et d’enracinement du conflit.

Les défaites à répétition de l’armée congolaise face aux rebelles du M23, qui contrôlent désormais de vastes territoires du Nord et Sud-Kivu, ont poussé le président Félix Tshisekedi à chercher des soutiens extérieurs. Les appels successifs à des forces régionales africaines, EAC (Afrique de l’Est) puis SADC (Afrique australe), et enfin à des mercenaires occidentaux, n’ont pas été couronnés de succès. Les casques bleus de la Monusco, censés maintenir une paix qui n’existe pas, et sans mandat offensif, n’ont pas réussi à freiner l’avancée des rebelles, qui avaient repris les armes fin 2021. Face à la débandade constante de ses troupes, le président Félix Tshisekedi a décidé d’employer la méthode du pire : sous-traiter son combat contre le M23 à une myriade de groupes armés locaux. L’objectif étant de soutenir une armée congolaise défaillante et rongée par la corruption. Ironie du sort, avant de s’appeler Wazalendo (« Patriote » en swahili), ces groupes armés se battaient déjà entre-eux, ou contre l’armée régulière pour le contrôle de leur territoire. Désormais, ces miliciens sont devenus des supplétifs des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Ce pari, hautement risqué, de Félix Tshisekedi, est analysé dans un récent rapport d’Ebuteli, un institut de recherche congolais sur la politique, la gouvernance et la violence. Sous le titre explicite de « Combattre le feu par le feu à l’Est du Congo », les chercheurs se sont penchés sur l’histoire des Wazalendo et les conséquences de cette « externalisation » de la guerre par un président congolais à court de solution militaire.
Une « Réserve armée de la défense » comme cadre
Se servir de groupes armés pour en combattre d’autres n’est pas une nouveauté au Congo. Les chercheurs rappellent qu’en 1998, Kinshasa a soutenu des groupes armés Maï-Maï et FDLR pour lutter contre le RCD soutenu par le Rwanda et l’Ouganda. La RDC et le Rwanda ont ensuite fait cause commune, entre 2015 et 2020, pour tenter d’éradiquer les FDLR, un groupe d’anciens génocidaires rwandais, en utilisant le NDC-Rénové. Quant aux Wazalendo, le terme apparaît début 2023, après la résurgence du M23, dans la province du Sud-Kivu, où ils combattaient des groupes Banyamulenge rwandophones que le M23 annonce vouloir protéger. L’occasion était trop belle pour Félix Tshisekedi de se trouver de nouveaux alliés pour tenter de venir à bout du M23. Au printemps 2023, Kinshasa décide d’offrir un cadre « étatique » à ces groupes armés en créant la Réserve armée de la défense (RAD). Le retour aux armes du M23 a également « attisé un sentiment nationaliste, parfois xénophobe, à l’encontre des communautés perçues comme étrangères, en particulier les Tutsi, les Banyamulenge et les Hema, mais aussi la population kinyarwandophone au sens large » pointent les chercheurs d’Ebuteli. Du pain béni pour Félix Tshisekedi qui cherche à resserrer les rangs autour de sa présidence fragilisée par le conflit à l’Est.
Un soutien massif en munitions
Le rapport analyse deux groupes armés de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des Wazalendo basés dans deux régions du Nord-Kivu : dans le Petit-Nord autour de Goma, Masisi, Rutshuru, Nyiragongo et Walikale, puis dans le Grand-Nord autour de Lubero. Dans le Petit Nord, ce sont des officiers de l’armée congolaise, souvent composée d’ex-rebelles, qui ont commencé à coaliser les groupes armés locaux pour combattre les rebelles. Des réunions ont été organisées en mai 2022, « alors que l’armée congolaise avait déjà commencé à utiliser des groupes armés, dont les Nyatura et les FDLR, pour contrer la progression du M23 » indiquent les chercheurs. Les FARDC ont apporté un soutien massif en matériels à ces groupes de VDP : « plus de 1,1 million de cartouches de 7,62 x 39 mm (pour fusils de type AK47) et près de 800.000 de cartouches de 7,62 x 54 mm (pour mitrailleuses de type PKM) de janvier à avril 2024 seulement ». Chaque groupe de VDP garde une certaine autonomie d’action, débouchant sur des manques de coordination avec l’armée et des « escarmouches » entre groupes. Cette stratégie de collaboration entre l’armée congolaise et les groupes armés « a également offert une nouvelle bouée de sauvetage aux FDLR, affaiblies début 2021 par les opérations conjointes ciblées des RDF (armée rwandaise, ndlr) et des FARDC ».
« Des combattants difficiles à démobiliser »
En créant la Réserve armée de la défense, certains groupes Wazalendo et politiciens locaux ont pensé pouvoir accéder à des postes dans l’armée régulière. Il ne s’agit pour l’instant que d’une force destinée à « assister » l’armée congolaise, mais qui offre quelques avantages : se positionner favorablement pour intégrer le processus de démobilisation (P-DDRCS), obtenir des formations militaires et une rémunération, enfin être identifié comme membre de la Réserve armée. Une stratégie qui encourage ces miliciens à « miser sur un avenir militaire plutôt que civil » souligne Ebuteli. Une incitation qui entre en contradiction avec la ligne gouvernementale qui refuse toute intégration de groupes amrés dans les FARDC. Le rapport rappelle enfin les multiples risques de cette sous-traitance de la violence qui a « renforcé l’enracinement du conflit par le recrutement de combattants qui seront difficiles à démobiliser ». Ensuite, « des millions d’armes et de munitions ont été distribuées », actant une « militarisation de la société », augmentant le niveau de violence à l’Est. Ces groupes « vivent essentiellement aux crochets de la population locale et se livrent alors à des extorsions d’argent, une pratique souvent accompagnée de violences et d’abus ».
Quel avenir pour les Wazalendo ?
L’utilisation de groupes armés supplétifs, qui se battent souvent mieux et davantage que l’armée régulière, rend les autorités congolaises dépendantes et redevables de ces miliciens qui réclameront certainement leurs dûs à la fin des hostilités. Cette pratique récurrente obère toute résolution rapide du conflit en redynamisant et en renforçant les groupes armés existants. La question est de savoir ce que deviendront ces combattants après la guerre ? Certains groupes Wazalendo se sont déjà positionnés en se déclarant, tout comme le M23, « non-concernés » par les initiatives de paix en cours entre la RDC et le Rwanda. Que faire de ces miliciens qui ont vécu de rackets et d’exactions dans une impunité totale ? Les intégrer dans l’armée, alors que ce sont justement ces « brassages » qui ont affaibli l’armée congolaise ? Les démobiliser pour un retour dans la vie civile, alors que les moyens manquent cruellement pour financer ces programmes ? « Il est très difficile de répondre, estime Reagan El Miviri, chercheur à Ebuteli. Tous ne sont pas forcément éligibles à la Réserve armée de la défense. Ils le sont pour le P-DDRCS, mais est-ce que le contexte politique s’y prête ? Suite à la résurgence du M23 et à la remobilisation qui s’en est suivie, le programme de démobilisation a quasiment disparu dans le Petit Nord et dans le Sud-Kivu. Mais il est clair que c’est une question qui devra être prise en compte dans un processus de paix, quel qu’il soit. l’avenir des Wazalendo fait partie de l’équation sécuritaire à résoudre. Quelle formule sera retenue ? On ne sait pas encore ». Une chose est sûre, « le soutien à ces groupes armés constitue un lourd fardeau politique pour les années à venir » conclut le rapport d’Ebuteli.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Le problème c’est Paul kagame.ce dernier n’apportera aucune solution mais prépare plutôt l’effondrement de son pays