L’investiture du nouveau gouvernement congolais est l’occasion pour un collectif d’ONG d’exiger des engagements clairs de l’exécutif pour donner la priorité à la justice et punir les crimes graves.
Des paroles aux actes, c’est ce que demandent 50 ONG au président congolais Félix Tshisekedi et à son gouvernement pour mettre fin à l’impunité et sanctionner pénalement les responsables de violations graves des droits de l’homme. Ces ONG saisissent l’occasion de l’investiture du nouveau Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, pour rappeler aux autorités congolaises qu’elles ont « une opportunité historique de s’attaquer aux crimes graves, passés ou récents ». Et de citer notamment le rapport Mapping, publié en 2010, et qui dort depuis dans les tiroirs. Le document recense plus de 600 incidents de violations graves des droits humains et du droit humanitaire international commises en République démocratique du Congo (RDC) entre mars 1993 et juin 2003. « Les recommandations du rapport, notamment la mise en place d’un mécanisme judiciaire chargé d’enquêter sur les crimes documentés et d’engager des poursuites, n’ont pas encore été mises en œuvre » insistent les ONG.
Pour un mécanisme judiciaire international
Plus grave encore, « des décennies d’impunité continuent d’alimenter les conflits et les exactions en RDC », selon Denis Mukwege, lauréat du prix Nobel de la paix. « Le président Tshisekedi devrait adopter une stratégie visant à remédier à l’absence choquante de justice et aux conséquences de l’impunité » insiste le célèbre docteur. Si le président Tshisekedi a bien promis de rétablir la justice et l’État de droit au Congo, « depuis son entrée en fonction il y a plus de deux ans, il n’a toujours pas défini les mesures concrètes que son administration entend prendre pour mettre fin à l’impunité et aux cycles de violence » dénoncent les organisations signataires.
Pour lutter efficacement contre l’impunité, les 50 ONG demandent la mise en place « d’un mécanisme judiciaire international ou un mécanisme à forte composante internationale pour enquêter et poursuivre les graves crimes internationaux commis en RDC, notamment ceux documentés dans le Rapport Mapping de l’ONU, et d’autres plus récents, que les auteurs des crimes soient congolais ou étrangers ». Un mécanisme judiciaire qui devrait, « au moins dans un premier temps, être composé de personnel international et congolais ».
Un mécanisme « d’assainissement » devrait ensuite permettre « d’identifier et de démettre provisoirement de leurs fonctions les agents des forces de sécurité et d’autres responsables de l’exécutif susceptibles d’avoir été impliqués dans de graves violations des droits humains, le temps que leurs dossiers soient traités ». Et enfin, un programme complet de réparations pour les victimes devrait être mis en place « pour les aider à reconstruire leur vie. »
Lutter contre l’impunité des responsables politiques
L’impunité prévaut également dans les propres rangs des forces armées congolaises. « Les troupes gouvernementales ont également joué un rôle majeur dans les violences récentes, estiment le collectif d’ONG. Des officiers présumés coupables d’exactions occupant toujours des postes de haut niveau dans la chaîne de commandement (…). Au fil des ans, des chefs de guerre impliqués dans des exactions ont été intégrés dans l’armée, la police et les services de renseignement congolais. Certains ont également été promus et nommés à des postes politiques clés, tout en restant impliqués dans les exactions et en profitant de l’économie de guerre ».
Enfin, l’action de la Cour pénale internationale (CPI) reste trop « limitée ». Si trois anciens chefs rebelles ont été condamnés, « les affaires concernant la RDC n’ont pas permis d’aborder la question de la responsabilité des hautes personnalités politiques et militaires ». « Le nouveau gouvernement congolais devrait démontrer qu’il est résolu à offrir un avenir meilleur à la jeunesse congolaise, et prendre immédiatement les mesures nécessaires pour rendre justice et accorder des réparations aux nombreuses victimes de la nation » conclut Micheline Mwendike, activiste du mouvement citoyen Lutte pour le Changement (LUCHA).
Christophe Rigaud – Afrikarabia