Félix Tshisekedi et Paul Kagame doivent ratifier jeudi un accord de paix à Washington pour faire taire les armes à l’Est de la RDC. Mais sur le terrain, les combats et les obstacles sont encore trop nombreux pour envisager une paix durable.

Si les Congolais sont partagés entre espérer et ne plus y croire, l’accord de paix entre la RDC et le Rwanda sera bien ratifié ce jeudi à Washington. Les présidents Tshisekedi et Kagame ont fait le déplacement pour entériner un accord déjà signé en juin dernier entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays. Mais depuis 6 mois, la situation sécuritaire n’a fait que se dégrader à l’Est du Congo. Les deux belligérants se sont renforcés, et ces derniers jours, les rebelles du M23 et l’armée congolaise se sont de nouveau affrontés au Sud-Kivu, sur les hauts plateaux et la plaine de la Ruzizi. D’un côté, la rébellion poursuit ses conquêtes de nouveaux territoires, avec pour objectif la prise de la ville verrou d’Uvira, et de l’autre l’armée congolaise est bien décidée à reprendre la main sur le terrain militaire à coup d’attaques de drones et de bombardements aériens. Les deux parties s’accusant mutuellement de violer un cessez-le-feu, qui n’a jamais été respecté.
Les dispositions de l’accord de Washington toujours au point mort
L’accord de paix signé ce jeudi à Washington comprend cinq dispositions : la cessation des hostilités, le respect de l’intégrité territoriale de la RDC, le désengagement des groupes armés non-étatiques, à savoir l’AFC/M23, soutenu par le Rwanda et les milices supplétives Wazalendos, armés par Kinshasa. L’accord prévoit également l’intégration conditionnelle de ces groupes dans l’armée, au cas par cas et la création d’un cadre d’intégration économique régional entre la RDC et le Rwanda, assorti d’investissements américains. Le hic, c’est que les résolutions de l’accord de Washington sont sur la table depuis plusieurs, sans aucun effet de désescalade sur le terrain militaire. La guerre continue comme si de rien n’était. En cause, la non-application de deux mesures essentielles : le retrait effectif des troupes rwandaises du sol congolais pour Kinshasa, et la neutralisation des FDLR, héritiers des génocidaires hutus rwandais, pour Kigali. Sur ces deux dispositions, aucune avancée n’a été notée. L’accord n’étant pas contraignant, ce qui constitue le principal obstacle à son application, les deux parties peuvent ainsi jouer très longtemps au jeu du chat et de la souris.
Doha au point mort
Le deuxième frein à l’application de l’accord de paix de Washington se trouve à Doha, où le gouvernement congolais mène des négociations avec les rebelles de l’AFC/M23. Sans accord au Qatar, les belligérants continuent de se réarmer, de se réorganiser, et poursuivent les combats, espérant faire pencher la balance en leur faveur à la table des négociations. Depuis des mois, les deux parties ne lâchent rien. Fort de leur supériorité militaire, l’AFC/M23 refuse de quitter les territoires qu’il occupe, et Kinshasa s’arc-boute sur le respect de son intégrité territoriale sans rien concéder aux rebelles. Sans accord à Doha, l’accord de Washington risque de n’être qu’un bout de papier, dont seul Washington pourrait tirer les marrons du feu, en se concentrant sur son deal économique avec la RDC et le Rwanda.
Business first
Donald Trump a bien compris qu’il pouvait tenter un coup de poker en mettant la main sur les minerais congolais et damer le pion à son rival chinois, quitte à faire une croix sur les garanties de sécurité que Félix Tshisekedi attendait de lui. D’ailleurs, le projet le plus intéressant pour Donald Trump ne se situe pas dans les Kivu, dont l’insécurité endémique depuis 30 ans effraie toujours les investisseurs américains, mais dans le Sud de la RDC. Il s’agit du corridor de Lobito : une voie de chemin de fer qui relie la ceinture de cuivre de la Zambie à l’Angola, en passant par le Katanga congolais. Un projet qui permettrait d’exporter les minerais par la façade atlantique de l’Afrique, en connexion directe vers les Etats-Unis.
Un long chemin vers la paix
A Kinshasa, on voit bien que la promesse de paix sera difficile à tenir. Le gouvernement congolais a bien pris soin de rappeler que l’accord de paix de Washington, aussi « historique » soit-il, n’est pas une fin en soi, mais le point de départ d’un long chemin vers la paix. Car pour résoudre l’interminable conflit congolais, il faudra, outre trouver une porte de sortie pour le M23 et ses cadres, mais aussi s’occuper des dizaines de groupes armés Wazalendos, qui se battent aujourd’hui aux côtés de l’armée régulière, et qui pourraient reprendre les armes contre Kinshasa si aucun plan de démobilisation sérieux ne leur est proposé. Enfin, il faudra aussi régler les problèmes politiques internes, et le sort des opposants en exil. Un empilement de problèmes qu’il faudra pourtant résoudre pour réellement commencer à parler de paix.
Christophe Rigaud – Afrikarabia


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