L’armée congolaise (FARDC) a bombardé mercredi 24 juillet un quartier de Rumangabo, près d’une base rebelle du M23. La rébellion et plusieurs témoins font état de 4 morts et 10 blessés et accusent l’armée d’avoir « raté sa cible« . Les FARDC reconnaissent avoir attaqué le camp militaire, mais sans faire de victime civile.
Que s’est-il passé à Rumangabo mercredi dernier ? Dans ce village situé à 45 km au Nord de Goma, les hélicoptères de l’armée régulière congolaise (FARDC) ont lancé une offensive aérienne sur un camp militaire de la rébellion du M23. Les appareils des FARDC, des MI-24, ont bombardé Rumangabo « en haute altitude » dans un raid éclair, selon des témoins. Le bilan est lourd d’après l’agence Reuters, relayé par le Washington Post : 4 morts dont 3 enfants, une dizaine de blessés (un homme a perdu une jambe) et plusieurs maisons détruites. L’information est d’abord donnée par le président de la rébellion, Bertrand Bisimwa. Le M23 affirme que ce sont des civils qui ont été touchés dans un quartier d’habitation qui se trouve en amont de leur centre de formation militaire. Un bombardement « raté » et « irresponsable » puisque « tiré de beaucoup trop loin« , estime un autre membre du M23.
Des corps atrocement mutilés
Très rapidement, un habitant contacté par l’Agence France Presse, confirme la thèse de la « cible manquée » par l’hélicoptère des FARDC. « Le camp n’a pas été touché, les avions ont bombardé ici« , dit-il en désignant des habitations détruites. Le responsable du Parc des Virunga apporte lui aussi son témoignage à l’agence Reuters, car il est aux première loges des combats. « Les hélicoptères ont tiré sur Rumangabo et il semble qu’il y a un certain nombre de victimes » raconte Emmanuel De Merode. Le directeur du Parc explique qu’une dizaine de blessés ont été admis dans son infirmerie. Pour preuve de la violence des dégâts causés par l’attaque des FARDC, le M23 diffuse plusieurs clichés des victimes, que nous avons pu consulter. La plupart des photos sont impubliables et montrent des corps atrocement mutilés, éventrés ou démembrés. Nous ne sommes bien sûr pas en mesure d’authentifier le lieu et la date des prises de vues.
« Pas de victime civile«
Jeudi 25 juillet, l’armée congolaise sort de son silence et dément avoir tué des civils à Rumangabo. Les FARDC reconnaissent le bombardement du camp militaire de la rébellion mais récuse toute victime civile : « notre cible était les éléments du M23 dans le camp de Rumangabo, le bombardement n’a pas tué de civil« , affirme l’armée sans plus d’explications. Difficile en effet pour les autorités congolaises de vérifier sur le terrain les conséquences d’un bombardement dans un territoire sous contrôle rebelle. Le M23 ironise sur l’embarras de l’armée régulière : « depuis cette bavure, les attaques des FARDC ont cessé depuis 2 jours… comme par miracle !« . Un peu plus tard le porte-parole de l’armée congolaise intervient pour affirmer que « les cibles ont bien été atteintes à Rumangabo » et accuse désormais le M23 « d’avoir tiré sur des civils qui fuyaient« . Une version tardive un peu alambiquée.
« Cible ratée«
Dans la guerre de l’information que se livrent les autorités congolaises et le M23, il est souvent difficile d’y voir clair: les deux camps se rejettant la plupart du temps la responsabilité des combats. Dans la « bavure » de Rumangabo, on pourrait voir un contre-feu allumé par le M23 pour « faire oublier » les accusations de Human Rights Watch qui dénonce les « exécutions sommaires » de la rébellion (1). Mais les témoignages d’habitants et du directeur du Parc des Virunga semblent plutôt accréditer la thèse de la « cible ratée » et donc d’une erreur d’appréciation de l’armée congolaise.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
(1) voir notre article sur Afrikarabia
Photos diffusées par le M23 © DR