Surpopulation, malnutrition, manque de personnels… La prison de Makala est le reflet d’une société congolaise « marquée par une injustice sociale considérable et la domination de l’argent-roi », selon un rapport du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), qui dévoile les coulisses du célèbre centre pénitentiaire.
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Bienvenue au Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK), la plus grande prison congolaise. Le dernier rapport du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP) nous amène dans l’arrière-boutique pas très reluisante de cette prison, installée depuis 1957 au sud la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). L’auteur du rapport, l’avocat Daudi Chase Mutayubara, a pu s’entretenir avec la direction du centre, son personnel, mais aussi avec des détenus et des visiteurs. Et le constat est édifiant. Ce qui choque en tout premier lieu, c’est la surpopulation permanente qui règne dans la prison. Construite pour accueillir 1.500 détenus, elle en compte aujourd’hui un peu plus de 9.000. En cause : l’explosion démographique de la capitale congolaise, qui compte environ 17 millions d’habitants aujourd’hui, la lenteur de la justice, mais aussi le manque de construction d’établissements pénitentiaires. Kinshasa compte seulement la prison de Ndolo, réservée seulement aux personnes inculpées par la justice militaire, elle aussi en surpopulation endémique. La ministre de la Justice avait promis en mai 2022, de libérer environ 2.000 détenus au titre de la grâce présidentielle. Mais seuls 337 ont été libérés effectivement.
Des morts d’étouffement… faute de place
A Makala, comme un peu partout au Congo, c’est le régime de la débrouille. Que vous soyez puissant ou misérable, vous ne serez pas traités de la même manière, note l’auteur du rapport. Les détenus « ordinaires » doivent s’acquitter d’un premier montant de 25$ à leur arrivée, puis de 1,5$ par mois pour les frais d’hébergement. « Ceux qui sont incapables de payer sont soumis aux corvées les plus humiliantes et pénibles, comme le nettoyage à mains nues des fosses septiques » explique Daudi Chase Mutayubara. Les plus pauvres, réussissent à survivre grâce aux rations du centre et de certaines ONG. Certains prisonniers souffrent de malnutrition, « soit en raison de la quantité insuffisante reçue quotidiennement ou encore de la qualité douteuse de cette nourriture préparée par les prisonniers eux-mêmes ». Les détenus ordinaires « dorment entassés par dizaines dans une petite pièce ou dans les couloirs, les douches ou les toilettes, voire debout par manque de place pour se coucher ou même s’asseoir ». Des détenus sont récemment décédés d’étouffement. Une promiscuité qui entraîne le développement de nombreuses maladies, alors que « la prise en charge sanitaire des malades est lente et superficielle » indique le rapport du GRIP.
Trois pavillons « VIP »
Pour les détenus « VIP », le séjour à Makala est nettement plus supportable. Les familles des prisonniers fortunés peuvent apporter de la nourriture et « les VIP disposent d’une chambre individuelle dans un des trois pavillons de la prison qui leurs sont réservés, en contrepartie d’un paiement à l’entrée variant entre 100$ et 300$ ». Ce fût le cas de Vital Kamerhe, l’ex-directeur de cabinet du chef de l’Etat, de l’homme d’affaires Samih Jamal, ou de François Beya, l’ancien monsieur sécurité de la présidence. Pour ces détenus, les téléphones portables étaient autorisés et « leur transfert dans des hôpitaux de luxe se sont effectués sans difficulté ». Et puis, il y a ce que l’auteur du rapport appelle « les prisonniers spéciaux », qui vivent dans une sorte de prison parallèle. « Ils sont dirigés par un « gouverneur général » à qui répondent une série d’autres détenus, dont les « gouverneurs » de chaque pavillon. Leur fonction principale est de suppléer à l’absence de personnel pénitentiaire affecté à la surveillance et au maintien de l’ordre à l’intérieur de la prison. Ils sont autorisés à infliger des punitions aux prisonniers récalcitrants (cachot, corvées…) et assurent la fouille des visiteurs. En contrepartie, ils disposent d’une série de privilèges ».
Des détenus assurent la sécurité
Tout aussi étonnant, la sécurité des détenus est en fait principalement assurée… par les prisonniers eux-mêmes, faute de personnels. Ces détenus très spéciaux « participent notamment aux fouilles corporelles des visiteurs à l’entrée de la prison. Il est facile dès lors d’en être exempté en payant un « pourboire » à ces détenus » raconte Daudi Chase Mutayubara. L’absence de détecteur de métaux permet l’introduction d’armes blanches, d’armes à feu et d’autres objets prohibés. Pour l’avocat et doctorant en criminologie, il y a « urgence à renforcer en ressources humaines, logistiques et structurelles, l’administration pénitentiaire » et insiste sur « la dotation d’instruments modernes de détection, la préparation de la réinsertion des détenus en fin de peine, la lutte contre la corruption des gardiens et la construction d’une autre prison à Kinshasa pour désengorger celle de Makala ». Des chantiers, pour le moment au point mort. « À court terme, ces mesures n’auront cependant pas d’effet sur les profondes inégalités entre détenus constatées à Makala. Celles-ci sont le reflet d’une société congolaise marquée par une injustice sociale considérable et la domination de l’argent-roi qui se traduisent l’une et l’autre par une corruption endémique ».
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Ainsi va le Congo de Tshilombo. Après la tonne de promesses non réalisées dont celle d’un état de droit.. On en est à la conclusion que cet homme est juste incompétent. triste