La création d’une force internationale neutre signifiera-t-elle la fin de la mission des casques bleus dans l’Est de la République démocratique du Congo ? Les pays de la région, réunis au sein de la SADC et de la CIRGL, viennent de demander le remplacement de la Monusco par une force africaine. Une proposition qui pourrait sonner le glas des casques bleus en RDC.
Coup dur pour la Monusco. Critiquée pour son inefficacité, la mission de l’ONU au Congo est depuis quelques semaines la cible des pays africains de la région. Les ministres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL), proposent à l’Union africaine (UA), de remplacer la Monusco par des troupes africaines. La raison avancée : l’échec de la mission de l’ONU dans l’Est de la RDC, en proie à des conflits chroniques et son incapacité à protéger les populations civile.
La Monusco sur la sellette
La charge anti-Monusco est signée par le général Aronda Nyakairima, le ministre ougandais de la Défense. « Nous recommandons que l’Afrique prenne le relais de la Monusco« , a précisé le général à une agence de presse chinoise. Selon lui, « les forces africaines peuvent mieux faire que les forces internationales qui viennent de l’extérieur et qui ne ne savent pas ce qu’elles font« . Une critique qui tombe après que certains membres de l’ONU se déclarent « contre l’idée de déployer une force internationale neutre pour combattre les forces négatives » en République démocratique du Congo. Ces membres proposaient une « simple » intégration de la force neutre à la Monusco. Proposition inacceptable pour le général ougandais Nyakairima.
1,5 milliards de dollars… pour rien !
Depuis plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années, les casques bleus sont l’objet de nombreuses critiques. La récente prise de la ville Goma par les rebelles du M23 constitue « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase« . Pour Godefroid Kä Mana, du pole Institut, sur le site radiozones.com, la mission des Nations unies est coûteuse (1,5 milliard de dollars) pour un résultat inexistant. « Quand le M23 est entré dans la ville de Goma« , raconte-t-il, « j’ai beaucoup aimé la justification de l’inertie de la Monusco. Un responsable de l’ONU expliquait qu’ils étaient à Goma pour protéger la population et il n’a pas vu le M23 s’attaquer à la population ! Le deuxième argument était de dire que la Monusco est une force de soutien et d’appui à l’armée congolaise, mais le problème était que l’armée congolaise avait disparu ! « .
Des casques bleus « bunkerisés«
La demande de la SADC et de la CIRGL de remplacer la Monusco par des troupes africaines s’explique par 2 raisons. La première est strictement militaire. Les pays africains estiment, à juste titre, que les troupes « asiatiques » basées à l’Est, venant du Pakistan, de l’Inde ou du Bangladesh, sont inefficaces… et le seront toujours. « Peu impliqués« , « refusant de prendre le moindre risque« , ces troupes, bunkerisées dans leurs bases du Kivu, n’interviennent que rarement et sont accusés par la population de laisser commettre des exactions « sous leurs propres yeux » et « sans bouger« . Si ce constat n’est pas « politiquement correct« , la majorité des observateurs le partage. Godefroid Kä Mana, du pole Institut, explique qu’il comprend ces soldats qui souhaitent avant tout « revenir vivants » de leur mission au Congo. La SADC affirme pouvoir venir dans les Kivus avec des troupes plus « motivées » (parce qu’africaines ?) et donc plus « offensives » face aux groupes armés.
Problème africain : solutions africaines ?
La deuxième raison qui justifierai le remplacement de la Monusco par des troupes africaines est « historique« . Depuis une dizaine d’année, on assiste en Afrique, à un désengagement progressif de l’ONU et plus largement des troupes occidentales sur le terrain militaire (le Mali étant l’exception qui confirme la règle). Le « sens de l’histoire » voudrait que, petit à petit, les conflits africains soient réglés par les institutions africaines (Union africaine et institutions régionales, CEDEO, SADC, CIRGL… ). A ce propos, le responsable d’International Crisis Group en Afrique centrale, Thierry Vircoulon, nous l’avait expliqué sur Afrikarabia, en précisant que ce « scénario » avait été mis en place il y a 10 ans, « lorsque l’Organisation de l’union africaine est devenue l’Union africaine (UA) » (voir son interview).
Pas de « zone franche » dans les Kivus
La constitution d’une force neutre dans la région des Kivus n’est cependant pas sans risque. Comme le souligne, l’essayiste Gaspard-Hubert Lonsi Koko, « il ne faudrait surtout pas tomber dans le piège qui consiste à installer, à travers cette force internationale neutre, une « zone franche », laquelle préfigurera à court terme la mise en place d’un futur État autonome ». Les Congolais, toujours très inquiets sur le risque de « balkanisation » de l’Est du pays par le M23 et leurs alliés rwandais et ougandais, restent donc plutôt septiques sur la mise en place d’une telle force. Quand aux rebelles du M23, la création, très « hypothétique« , de cette force, reste pour le moment « une fiction« . Car, si le contours de cette force neutre commence à se dessiner, son financement et sa mise en place sera longue. Un spécialiste militaire de la région, nous confiait : « il faudrait 2 ans pour constituer une force efficace dans la région !« .
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo : L’ONU en RDC © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com