« Les rebelles du M23 ont exécuté sommairement au moins 44 personnes« . C’est ce qu’affirme Human Rights Watch (HRW) qui a recueilli une centaine de témoignages au Nord-Kivu. L’ONG apporte également de nouvelles preuves du soutien du Rwanda au M23, mais dénonce aussi les exactions commises par les FDLR et l’armée congolaise.
Alors que les affrontements ont repris le 14 juillet à l’Est de la République démocratique du Congo, entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise, Human Rights Watch dénonce les exécutions sommaires commises par la rébellion. Selon l’ONG, le M23 a exécuté « au moins 44 personnes et violé au moins 61 femmes et filles depuis mars 2013« . HRW a également recueilli plusieurs témoignages d’habitants du Nord-Kivu et de rebelles déserteurs attestant que le M23 reçoit toujours de l’aide en provenance du Rwanda. « Parmi ces activités figurent des mouvements réguliers du Rwanda vers la RD Congo d’hommes en uniforme de l’armée rwandaise et l’approvisionnement du M23 en munitions, en vivres et en autres fournitures provenant du Rwanda », note l’ONG dans son communiqué.
Recrutements au Rwanda
Parmi les hommes recrutés au Rwanda par le M23, figurent des militaires rwandais démobilisés, mais aussi d’anciens combattants des FDLR, ainsi que des civils rwandais. « Un jeune Rwandais âgé de 15 ans« , explique Human Rights Watch, « raconte que lui et trois autres jeunes hommes et garçons avaient reçu la promesse d’emplois en tant que gardiens de vaches en RD Congo, mais qu’une fois arrivés dans ce pays, ils avaient été forcés de rejoindre le M23. Ils ont suivi en RD Congo une formation militaire dispensée par des officiers rwandais et on les a avertis qu’ils seraient abattus s’ils tentaient de s’enfuir. D’autres déserteurs du M23 ont également affirmé que des officiers rwandais formaient les nouvelles recrues de ce groupe« . (voir les témoignages recueillis par HRW)
Les FDLR au banc des accusés
Mais le M23 n’est pas le seul pointé du doigt. En plus des exactions commises par le M23, Human Rights Watch dénonce plusieurs meurtres et viols commis par les miliciens hutus congolais des FDLR. Certains officiers de l’armée congolaise auraient apporté un soutien à des factions des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais à majorité hutue, allié à ces milices congolaises, et dont certains membres ont participé au génocide de 1994 au Rwanda.
L’armée régulière également coupable
L’armée régulière congolaise (FARDC) n’est pas en reste. Selon l’HRW, « certains officiers et responsables gouvernementaux ont fourni un appui aux FDLR ou à des groupes qui leur sont alliés« . l’ONG dénonce aussi la manière dégradante dont ont été traités les cadavres de combattants M23 par l’armée congolaise. « Le droit international interdit de commettre des atteintes à la dignité de la personne, y compris contre des morts« , rappelle Human Rights Watch. L’ONG appelle les autorités militaires congolaises « à sanctionner de manière appropriée les officiers et les soldats responsables du mauvais traitement de cadavres« . On peut noter que l’ONG oublie les nombreuses exactions commises par les FARDC : vols, viols, pillages… notamment à Minova.
Accusations partiales ?
Dans ces nombreux rapports, HRW a souvent été accusé par le M23 et le Rwanda de « partialité« . L’ONG pointe souvent la rébellion comme l’unique source d’exactions en RDC, alors qu’une vingtaine d’autres groupes armés pullulent au Nord et Sud-Kivu. Les groupes d’auto-défense Maï-Maï sont peu cités dans les rapports d’Human Rights Watch. Et pour la population congolaise, l’armée nationale est considérée comme la seconde source de violence en RDC. Le M23 a souvent remis en cause les méthodes de l’ONG pour recueillir ses témoignages. Le journal Libération sous-entendait qu’Human Rights Watch paierait ses témoignages contre le M23. Si l’ONG dénonce dans son communiqué « 44 exécutions sommaires », la rébellion affirme qu’elle attend toujours les preuves des « massacres de masse » dont on l’accuse. Il n’empêche que l’apparition du M23 en mars 2012 a bien ravivé la vingtaine de groupes rebelles… et les exactions qui vont avec. Le mouvement du 23 mars constitue bien le principal facteur de déstabilisation dans les Kivus, ce qui n’est évidemment pas le cas des groupes Maï-Maï, composés chacun d’une centaine d’hommes, tout au plus. Dans ce présent communiqué, on voit bien que l’ONG met l’accent sur les exactions du M23, mais corrige le tir en accusant (à juste titre) les autres groupes armés. Un ajustement bienvenu.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com