La faction de Sultani Makenga a remporté une victoire militaire sur celle de Jean-Marie Runiga et Bosco Ntaganda. Mais les conséquences pourraient être lourdes sur la situation sécuritaire au Nord-Kivu. Certains prévoient la reprise des combats autour de Goma.
C’est un week-end qui fera date dans le conflit du Nord-Kivu. Après plusieurs jours de combats féroces entre les deux factions rivales du M23, les troupes fidèles à Sultani Makenga ont fini par déloger les hommes de Jean-Marie Runiga et Baudouin Ngaruye. Les localités de Rugari et Kibumba sont désormais tombés sous le contrôle des pro-Makenga. Une victoire décisive dans la guerre des clans qui opposait depuis la fin février pro-Makenga et pro-Runiga, allié au turbulent Bosco Ntaganda, recherché par la Cour pénale internationale (CPI). Au cours des combats du week-end, Runiga, Ngaruye et Innocent Zimurinda, blessé, se sont enfuis au Rwanda voisin avec 200 de leurs hommes, laissant 400 autres de leurs soldats rejoindre le camp Makenga.
Runiga « réfugié« , Ntaganda court toujours
Contacté par Afrikarabia, Stanislas Baleke, un responsable du M23, nous a indiqué que l’attaque de Kibumba avait obligé à Bosco Ntaganda à s’enfuir vers le parc des Virunga avec seulement « une trentaine d’hommes« . A Kibumba, les troupes fidèles à Makenga ont pris possession de la maison où s’étaient réfugiés Runiga et Ntaganda avant leur fuite et le véhicule de Bosco Ntaganda a également été retrouvé. Dimanche, dans la journée, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, affirmait savoir que Ntaganda avait traversé la frontière et serait passé au Rwanda, sans plus de preuve. Recherché par la CPI, Ntaganda serait un personnage bien encombrant pour Kigali. Le Rwanda a en effet signé en février dernier, à Addis Abeba, un accord-cadre dans lequel il s’est engagé à ne pas soutenir les « criminels recherchés par la justice internationale« . Kigali a fermement démenti la présence de Bosco Ntaganda sur son territoire. Concernant le cas de Jean-Marie Runiga, son statut n’est pas encore très clair au Rwanda. « Cantonné ? », « arrêté ?« . Le Rwanda semble hésiter sur le sort de son hôte. Selon un membre du M23, Runiga aurait été interpelé pour « franchissement illégal de la frontière« , mais aurait ensuite demandé l’asile au Rwanda, avant de préciser vouloir se rendre en Ouganda.
Nouveau « bras de fer » avec Kinshasa ?
Première conséquence de la bataille entre factions du M23 : l’arrêt des négociations de Kampala entre les rebelles et le gouvernement congolais. Kinshasa a rappelé sa délégation, suivi par celle du M23 pour « consultation« . Officiellement donc, on ne discute plus, ce qui augure mal de l’avenir des pourparlers. Deuxième conséquence : le renforcement de Sultani Makenga au sein de la rébellion. Si le commandant militaire du M23 a toujours contrôlé « le gros » des effectifs rebelles, il règne désormais sans partage sur le mouvement : Runiga, le politique, qu’il n’appréciait guère, est hors-jeu et Ntaganda, « le rival« , « le traître« , est en fuite dans la jungle des Virunga. Dans ces circonstances, le M23 pourrait être tenté de remettre la pression sur Kinshasa. L’envoi prochaine d’une force d’intervention rapide de l’ONU sur le terrain et le blocage des négociations avec le gouvernement congolais pourrait pousser les rebelles à « un nouveau bras de fer sur le terrain« . Un responsable du M23 nous confiait qu’il était même « inévitable« . Avec toujours dans le viseur de la rébellion : la ville de Goma, que le M23 avait fait tombé en quelques heures, fin novembre 2012.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia