Une enquête du Minority Rights Group (MGR) accuse les gardes du parc national de Kahuzi-Biega d’avoir tué, violé et terrorisé des membres de la communauté autochtone Batwa, dans le but de les chasser de leur terre natale. Des exactions qui s’opèrent avec la complicité des bailleurs de fonds internationaux, qui soutiennent financièrement le parc et arment ses gardes.
Le rapport de l’ONG Minority Rights Group (MGR), publié le 6 avril, jette un regard cru sur les attaques violentes que mènent les rangers du parc national de Kahuzi-Biega contre les populations locales. Le document de 92 pages rapporte plus de 550 témoignages de la communauté autochtone Batwa, les Pygmées des forêts du Congo. Minority Rights Group International y dénonce au moins 20 assassinats de Batwa par les gardes du parc et l’armée congolaise, 15 femmes violées, des villages brûlés et des centaines d’autochtones chassés de leur foyer. Les exactions documentées ont été commises sur 3 ans, entre 2019 et 2021.
« Nous assistons à une politique de violence d’État visant à terroriser une communauté indigène déjà très marginalisée pour qu’elle quitte un parc qui a été créé sur sa patrie ancestrale », dénonce Agnes Kabajuni, directrice régionale Afrique de Minority Rights Group. Ce parc, situé au Sud-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) est un site classé patrimoine mondial de l’Unesco et abrite notamment les célèbres gorilles d’Afrique de l’Est et des centaines d’espèces rares. Le parc reçoit un soutien matériel important des Etats-Unis, de l’Allemagne, ainsi que de la Wildlife Conservation Society (WCS).
« Une approche militarisée et brutale » de la gestion du parc
Le problème est que ces bailleurs internationaux ont été avertis de la répression violente dont étaient victimes les Batwas, bien avant les premières attaques de 2019. Selon Robert Robert Flummerfelt, auteur du rapport de Minority Rights Group, les bailleurs de fonds « ne peuvent pas plaider l’ignorance ou prétendre que leur soutien était insignifiant. Les preuves découvertes au cours de cette enquête indiquent clairement qu’ils étaient complices d’exactions susceptibles d’atteindre le niveau de crimes contre l’humanité ».
Ce que reproche l’ONG aux financeurs étrangers est d’avoir soutenu une « approche militarisée et brutales » de la gestion du parc, qui a entraîné « des violations flagrantes des droits de l’homme ». Car depuis 2018, la communauté Batwa est en conflit ouvert avec le parc national. Les Pygmées estiment avoir été spoliés de leurs terres depuis l’extension du domaine, alors que le parc dénonce une occupation illégale de certains terrains, et des coupes d’arbres qui nuiraient à la forêt.
Des attaques à l’arme lourde
Les partenaires internationaux du parc de Kahuzi-Biega démentent toutes les exactions dénoncées par Minority Rights Group. Wildlife Conservation Society estime que « Si les allégations sont vraies, il s’agit d’attaques militaires illégales et horribles contre les propres citoyens de la RDC ». L’organisation réfute fortement « toute volonté d’exclusion forcée des communautés des aires protégées ».
Pourtant, le rapport de Minority Rights Group est édifiant. L’enquête relate notamment les premières violences, qui remontent à 2019. Trois villages ont été la cible d’attaques de l’armée congolaise accompagnées de l’unité d’intervention rapide du parc, des gardes « fortement militarisés et formés à l’étranger » selon le rapport. Les soldats et les gardes auraient ouvert le feu à l’arme lourde, sans distinction, sur les villages Batwa, brûlant une partie des habitations. Une action punitive qui semble être intervenue après des menaces du parc, demandant aux populations de quitter leur terre.
Des allégations réfutées par le parc
Fin 2021, 7 villages Batwas ont de nouveau été la cible d’attaques. Deux enfants sont morts brûlés vifs, piégés dans leur maison en feu. Des témoins racontent également des têtes décapitées, exposées au bout de pics de bois, pour terroriser la communauté. Minority Rights Group estime enfin que la formation et l’équipement paramilitaire fournis aux gardes du parc pourraient violer l’embargo sur les armes qui touche la République démocratique du Congo.
Une allégation niée par Wildlife Conservation Society, qui affirme que ses actions n’étaient pas interdites par l’embargo de l’ONU sur les armes. A la suite de la publication du rapport de Minority Rights Group, la direction du parc a publié une mise au point le 10 avril – voir le communiqué. Dans un long texte, l’Institut national congolais pour la conservation (INCC) et le Parc national Kahuzi-Biega (PNKB) réfutent en bloc les allégations de l’ONG britannique. « Il n’y a jamais eu, il n’y a pas eu et il n’y aura jamais d’actes de violence à l’égard des Batwa car l’ICCN/PNKB prône le dialogue et la promotion des droits humains ».
Une confusion avec les attaques des groupes armés
Le parc dénonce des Pygmées « instrumentalisés d’aller agir en termes de déforestation du Parc entre 2019-2020, de quitter volontairement après le dialogue de Bukavu dans l’axe Kabare et une grande partie dans l’axe Kalehe ». Selon le parc, « Les opérations de ratissage organisées par les FARDC dans la zone (Lemera-Katasomwa) avaient pour objectif de neutraliser le bastion des rebelles qui avaient attaqué la ville de Bukavu le 3 novembre 2021 et qui se sont retranchés dans le PNKB ».
Concernant les attaques des populations autochtones, les viols et les villages incendiés, le parc dénonce « une confusion » entre les actes des rebelles ADF, d’autres groupes armés et les actions des militaires congolais. La direction du PNKB s’étonne également des preuves avancées par Minority Rights Group sur la mort de 20 Batwa.
Selon le communiqué, les communautés autochtones avaient quitté le parc et « s’étaient installées dans la plantation de l’établissement Muyeye, à côté de la base des écogardes et des FARDC. Comment seraient-ils mutilés, violés, tués alors qu’ils étaient déjà sortis du Parc avant le lancement des opérations ? » Le parc accuse enfin Minority Rights Group de n’avoir jamais rencontré la direction du PNKB et de vouloir décourager les bailleurs de fonds de financer les actions de préservation de ce site classés par l’Unesco.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
MRG devrait aussi miser sur une collaboration étroite avec la direction du pnkb afin de miser sur une politique de rapprochement avec les batwa pour mieux les conscientiser et les former pourqu’ils aient un meilleur intérêt d’une vie hors ce parc.