En exil forcé, l’opposant au président Kabila a déposé plainte contre l’Etat congolais et organise sa garde rapprochée en vue de l’élection présidentielle.
Rentrer à Kinshasa et se faire jeter en prison ou contraint à l’exil en Europe loin de la politique congolaise, Moïse Katumbi tente de trouver la solution à cette délicate équation. Condamné par la justice congolaise pour une invraisemblable affaire immobilière, l’ex-gouverneur du Katanga est devenu la cible privilégiée du pouvoir après s’être officiellement déclaré candidat à la présidentielle début mai 2016. Depuis cette date, plusieurs dizaines de ses proches ont été interpellés et Moïse Katumbi a été successivement accusé d’avoir recruté des mercenaires pour « déstabiliser » le pays, puis d’avoir spolié un citoyen grec dans une sombre affaire d’immeuble au Katanga. Ancien allié du président Joseph Kabila avant de rejoindre les rangs de l’opposition, Moïse Katumbi dénonce alors « un acharnement judiciaire » dont le seul but est de l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle.
« Une justice instrumentalisée »
Harcelé de toutes parts, Katumbi quitte la RDC le 20 mai 2016 après avoir été blessé dans une manifestation. Son départ est pourtant « validé » par Kinshasa, trop content des s’être débarrassé d’un concurrent politique de poids. Piégé par le camp présidentiel, Katumbi est alors contraint de continuer de mener campagne hors du pays. Mais désormais la politique se fait sans lui au Congo, même si son ombre plane au-dessus du Rassemblement de l’opposition, qu’il co-dirige, et si sa popularité est toujours restée intacte en RDC. A Genève, ce vendredi 2 juin, le patron de la célèbre équipe de football TP Mazembe a décidé de contre-attaquer. Tout d’abord sur le front judiciaire. Epaulé par le ténor du barreau parisien, Eric Dupond-Moretti, Moïse Katumbi a porté plainte contre l’Etat congolais auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies pour « acharnement continu du pouvoir ». L’avocat français reproche à l’Etat « d’avoir violé à plusieurs reprises le Pacte international sur les droits civils et politiques ». Moïse Katumbi estimant que la justice de son pays est « instrumentalisée », il a donc décidé de se tourner vers la communauté internationale.
L’impossible retour ?
Cette plainte peut-elle contraindre le pouvoir à lever le pied sur le dossier Katumbi ? C’est peu probable. Tout d’abord parce que la procédure pourrait prendre au moins deux ans. L’opposant Eugène Diomi Ndongala, actuellement emprisonné à Kinshasa pour une affaire de moeurs qu’il affirme être fabriquée de toute pièce par les services de sécurité congolais, a suivi la même procédure devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU. L’Etat congolais a été condamné… sans effet sur le sort du président de la Démocratie chrétienne, qui croupit toujours dans la prison centrale de Makala depuis 2013. Si la plainte de Genève devrait peu faire évoluer la position de Kinshasa sur le dossier Katumbi, l’avocat de l’homme d’affaires espère que le Comité recommande des mesures provisoires de protection de son client. Des mesures qui pourraient être confiées à la Mission de l’ONU en RDC (MONUSCO) ou à l’Union africaine (UA). Car l’essentiel pour le candidat Katumbi, c’est avant tout de pouvoir rentrer au Congo en cas d’élection, sans risque pour son intégrité physique. Mais pour l’heure, l’action judiciaire de l’ancien gouverneur du Katanga reste surtout symbolique, médiatique et diplomatique. L’opposant souhaite surtout dénoncer un président « illégitime », qui souhaite s’accrocher au pouvoir en écartant un adversaire politique… en espérant que ces accusations isolent un peu plus Joseph Kabila sur la scène internationale.
S’émanciper du Rassemblement
Mais la seconde bataille que livre Moïse Katumbi depuis son exil forcé est aussi politique. Avec une opposition des plus fragmentées depuis la mort de l’opposant historique Etienne Tshisekedi en février dernier, Katumbi compte bien jouer les premiers rôles pour prendre le leadership de l’opposition. Plusieurs cadres de l’UDPS se sont laissés séduire par des postes ministériels ou la Primature comme Samy Badibanga ou Bruno Tshibala, et le fils d’Etienne Tshisekedi, Félix, se retrouve bien seul au sein du Rassemblement de l’opposition. Une plateforme devenue sensiblement atone depuis la nomination de Bruno Tshibala à la tête du nouveau gouvernement et avec le manque de charisme de Félix Tshisekedi. Le 31 mai, Moïse Katumbi a décidé de muscler sa communication politique en nommant Olivier Kamitatu porte-parole. Le président de l’ARC et membre du G7, fin politique et connaisseur de toutes les arcanes de l’arène congolaise, devra désormais porter « les positions officielles du candidat » Katumbi. Un choix censé conforter la stature internationale de l’ancien gouverneur et éviter les couacs médiatiques dont sont coutumiers l’UDPS et le Rassemblement de l’opposition.
Des élections qui s’éloignent
En tentant de prendre les devants sur les fronts judiciaires et politiques, Moïse Katumbi essaie de se sortir du rôle de l’éternel opposant en exil. « Je n’ai rien fait, je vais rentrer » a-t-il promis à Genève. Le riche homme d’affaires possède pourtant une fenêtre de tir idéale pour s’imposer comme le possible successeur à Joseph Kabila : l’UDPS est affaiblie par la mort d’Etienne Tshisekedi et les divisions internes, Vital Kamerhe, après avoir fait un pas vers la majorité présidentielle, cherche désespérément la troisième voie pour exister, Jean-Pierre Bemba est en prison et Joseph Kabila brille par son impopularité. Mais pour s’imposer à la présidence, Moïse Katumbi doit tout d’abord pouvoir regagner la RDC sans risquer de passer par la case prison et ensuite participer à un scrutin libre et transparent. Pour la première condition, le candidat à la présidentielle mise sur la communauté internationale pour le protéger. Pour la seconde, il ne peut compter que sur le bon vouloir des autorités congolaises à organiser un scrutin. Et pour l’heure, Joseph Kabila ne semble pas vraiment disposé à ce que 2017 soit une année électorale, comme l’a pourtant prévu l’accord politique de la Saint-Sylvestre. Dans une interview récente au Spiegel, le chef de l’Etat à préparer l’opinion à une nouveau report du calendrier électoral et des sources proches de la Commission électorale (CENI) ont affirmé ce week-end que l’enrôlement des électeurs ne serait sans doute pas terminé… avant l’automne 2017. De quoi laisser encore un peu de temps aux avocats de Moïse Katumbi pour faire plier les autorités congolaises et préparer le retour de l’homme d’affaires à Kinshasa.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
La plainte de katumbi n est pas recevable car il a fait appel à sa condamnation. A différence de Diomi Ndongala, dont la procédure a abouti à une condamnation de la RDC sur son cas, Katumbi ne joue que du théâtre car il ne peut ignorer que sa « plainte » contre la RDC est irrecevable à ce stade.