La mission de l’ONU en République démocratique du Congo (RDC) a été reconduite pour un an en pleine crise pré-électorale. Mais la Monusco fera-t-elle mieux qu’en 2011, où le scrutin avait été entaché de nombreuses irrégularités ? On peut en douter.
Le mandat de la Monusco, la Mission des Nations-Unies au Congo, la plus grande et la plus coûteuse du monde, a été renouvelé jusqu’en mars 2019. Un défi historique attend la Monusco à un moment le pays se déchire dans l’attente du départ du président Joseph Kabila qui s’accroche à son fauteuil en retardant la tenue des élections. Prévue en 2016, la présidentielle doit maintenant se tenir fin 2018… si tout va bien. Comme toujours, le nouveau mandat des casques bleus se résume à une suite de déclarations de bonnes intentions déjà vues et déjà entendues depuis plus d’une décennie. La mission sera tournée, comme depuis sa création, autour de deux axes : la protection des civils et l’assistance technique et logistique du processus électoral en cours.
Aucune solution nouvelle pour stopper la violence
Concernant la protection des civils, la Monusco et ses 16.000 hommes n’a jamais démontré une efficacité redoutable. Les foyers de tensions se multiplient aux quatre coins du Congo, au Nord et Sud-Kivu, dans les Kasaï, au Tanganyika ou en Ituri, et les déplacés n’ont jamais été aussi nombreux… environ 4 millions ! Les groupes armés sont désormais plus de 140 dans l’Est du pays et les massacres à répétition dans le territoire de Beni ensanglantes la région depuis 2014 sans que les casques bleus ou l’armée ne réussissent à y mettre fin. Ce nouveau mandat n’apporte aucune solution nouvelle pour juguler efficacement cette spirale de la violences qui augmente à mesure que les élections s’éloignent. En déplacement au Nord-Kivu, la nouvelle patronne de la Monusco, Leïla Zerrougui, n’a d’ailleurs rassuré personne : « Ce n’est pas la Monusco qui va ramener la paix et la sécurité pour la population (sic). Ce que nous amenons c’est un appui en expertise mais aussi un appui de forces militaires » a-t-elle déclaré à Goma. Un terrible aveu pour une mission censée protéger les civils.
Le spectre des élections chaotiques de 2011
Mais le plus inquiétant se situe sans doute sur l’assistance technique et logistique de la Monusco pour soutenir le processus électoral. Si la résolution « souligne la nécessité de faire tout ce qui est possible afin d’assurer que les élections du 23 décembre 2018 soient organisées avec les conditions de transparence, de crédibilité, d’ouverture et de sécurité »… ce qui a été loin d’être le cas lors de la dernière présidentielle de 2011. Les élections s’étaient révélées un fiasco et des fraudes massives avaient été dénoncées par l’ensemble des observateurs internationaux. La participation de la Monusco à l’organisation du scrutin avait alors suscité l’indignation de l’opposition congolaise qui avait contesté la réélection de Joseph Kabila… point de départ de la crise politique actuelle. Rien n’indique pour l’instant dans le nouveau mandat, que la Monusco ne se retrouvera pas dans la situation délicate de 2011 à soutenir de nouvelles élections chaotiques.
Numéro d’équilibriste
En fait, par cette nouvelle résolution, la Monusco ne fait que sauver sa peau. Sous le feu des critiques de la communauté internationale pour son impuissance et son inefficacité, et sur la sellette à Kinshasa qui l’accuse d’ingérence dans ses affaires intérieures, la Monusco est condamnée à un numéro d’équilibriste : renforcer son action militaire sur le terrain pour être plus efficace tout en ménageant le pouvoir en place avec qui elle doit coopérer. Avec ce nouveau mandat, la Monusco a tout de même réussi à maintenir ses effectifs, alors que Kinshasa faisait pression pour une réduction du nombre d’hommes sur le terrain. Le pouvoir devra donc encore composer avec la présence de casques bleus sur le terrain et faire ses combines politiques pour garder le contrôle du pays sous les radars de la communauté internationale. C’est la seule petite victoire de cette résolution. Mais encore une fois, ce nouveau mandat n’apporte rien de neuf et d’innovant capable d’inverser le cycle de la violence et de la répression politique. La présence de casques bleus dans les zones urbaines pendant les manifestations de l’opposition devrait d’ailleurs être l’une des priorités de la Monusco. Sinon, encore une fois, l’ONU sera condamnée à un rôle d’observateur et non d’acteur… son plus mauvais rôle.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia