Le principal témoin de l’affaire Chebeya, réfugié au Sénégal, craint pour sa sécurité. La FIDH demande aux autorités sénégalaises « de veiller à sa protection« .
Témoin oculaire de l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, Paul Mwilambwe est actuellement réfugié au Sénégal. Il doit comparaître devant la justice sénégalaise pour le meurtre du célèbre militant des droits de l’homme. Son témoignage met en cause l’ancien chef de la police congolaise, John Numbi, comme le principal commanditaire du double assassinat. Mais à Dakar, Paul Mwilambwe s’inquiète pour sa sécurité. Lundi 13 octobre, l’ancien policier congolais déclare avoir été suivi par deux hommes au marché de la capitale sénégalaise. Paul Mwilambwe explique avoir réussi à semer ses poursuivants, mais il craint désormais pour sa sécurité.
La traque est partie de Kinshasa
Paul Nasapu, défenseur des droits de l’homme congolais et secrétaire général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) travaille sur l’affaire Chebeya depuis plusieurs années et connaît parfaitement le dossier Mwilambwe. Interrogé par Afrikarabia, Paul Nsapu confie également ses inquiétudes sur la sécurité de Mwilambwe à Dakar : « Nous avons demandé aux autorités sénégalaises de veiller à sa protection. Je ne voudrais pas que le Sénégal soit un pays où les dictateurs peuvent se permettre d’assassiner des opposants où des personnes qui dérangent. » Pour Paul Naspu, la traque pour retrouver Paul Mwilambwe est partie de Kinshasa. « Des organisations des droits de l’homme congolaises et de la société civile ont obtenu des informations de « manoeuvres » qui visaient Dakar pour retrouver Mwilambwe et probablement en finir avec lui, avant que le procès ne commence au Sénégal. La seule chose que je peux vous dire, c’est que Paul Mwilambwe est aujourd’hui en lieu sûr« .
Le Sénégal et la compétence universelle
La justice sénégalaise avait été saisie en juin dernier par les familles des victimes et la FIDH. Devant la paralysie de la justice congolaise à entendre tous les protagonistes de l’affaire Chebeya, et notamment l’ancien chef de la police congolaise, John Numbi, la FIDH avait décidé de porter l’affaire devant la justice sénégalaise. Objectif : faire entendre Paul Mwilambwe, témoin clé de l’affaire et réfugié au Sénégal, un pays qui s’est récemment doté de la compétence universelle d’extra-territorialité qui lui a notamment permis d’intervenir sur le cas de l’ancien président tchadien Hissène Habré. En août dernier, la justice sénégalaise s’est déclarée compétente sur le dossier et la plainte a ensuite été confirmée par les parties civiles. Le procès de Paul Mwilambwe à Dakar n’est donc plus qu’une question de temps.
Deux agents de police portés disparus
Pour que la vérité éclate sur l’affaire Chebeya, Paul Nsapu compte beaucoup sur le témoignage de Paul Mwilambwe : « C‘est une pièce maîtresse de l’affaire et c’est très important qu’il témoigne« . Et pour témoigner, Paul Mwilambwe doit rester en vie. Plusieurs « disparitions » mystérieuses ont été enregistrées après l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana. « Les deux agents de police qui étaient à la guérite de l’entrée du siège de la police nationale ont été portés disparus. Ces deux agents avaient noté sur le registre des entrées les noms de Chebeya et Bazana. Ces pages du registre ont d’ailleurs été arrachées et le supérieur hiérarchique de ces deux agents n’était autre que Paul Mwilambwe. Il sait donc parfaitement ce qui s’est passé dans ce double assassinat« . Dans la liste des responsables, Paul Nsapu cite John Numbi, le chef de la police, aujourd’hui mis au vert, mais aussi Charles Bisengimana, le remplaçant de Numbi à la tête de la police et enfin le président Joseph Kabila « qui a couvert tous ces gens-là« . Reste désormais à savoir la date du procès de Paul Mwilambwe. La capitale sénégalaise doit accueillir les 29 et 30 novembre prochain le XVème Sommet de la francophonie. Il se dit que Paul Mwilambwe pourrait être entendu juste après le Sommet.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia