Après les critiques et les contestations autour de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), voici le tour des élections législatives. Organisées le même jour que la présidentielle, les législatives suscitent les mêmes polémiques : organisation anarchique, irrégularités et soupçons de fraude massive. Sous la pression de la communauté internationale, les opérations de comptage ont été suspendues en attendant l’arrivée d’experts internationaux, mais le manque de transparence du scrutin inquiète toujours les ONG.
Les résultats des élections législatives en République démocratique du Congo (RDC) prennent le même chemin que ceux de la présidentielle : celui de la contestation. Les élections législatives et présidentielle ont été organisées en même temps, le 28 novembre 2011. Les résultats ont donné la victoire à Joseph Kabila, devant l’opposant Etienne Tshisekedi. Mais le scrutin est très controversé, entaché d’irrégularités et d’accusations de fraudes. L’Union européenne, les Etats-Unis ou l’église congolaise ont tous reconnu le manque de transparence de ces élections. Le président Joseph Kabila reconnaît « des erreurs« , juge le scrutin « crédible« .
La bataille pour la présidentielle et la prestation de serment des deux « présidents » (Kabila officiellement investi mardi 20 décembre et Etienne Tshisekedi « auto-investi » par son parti) ont occulté une autre bataille électorale : celle des législatives. Selon Thierry Vircoulon, responsable de l’Afrique centrale à l’International Crisis Group, le scrutin législatif reproduit les mêmes travers que la présidentielle, avec quelques particularités. « Les législatives me paraissent plus complexes et plus problématiques parce qu’en plus des enjeux nationaux, il y a des enjeux locaux. On est sur les mêmes modèles de fraudes massives que sur la présidentielle, mais avec des gouverneurs provinciaux qui « prennent les choses en main » et qui décident de la liste des vainqueurs« , explique Thierry Vircoulon. Pour ce spécialiste de la région, les facteurs ethniques ont également joué un rôle important. « A Kisangani, en province orientale« , note Thierry Vircoulon, « une tribu « adversaire » au ministre national de l’Economie, Jean-Pierre Darwezi, est venu en pirogue pour voter… mais n’a jamais trouvé son bureau de vote !« . Les observateurs internationaux ne comptent plus les irrégularités dans ce scrutin : bureaux de vote fictifs, électeurs inscrits plusieurs fois, bulletins de vote perdus, procès-verbaux de dépouillements égarés…sans compter les nombreuses pression sur le personnel de la Commission électorale (CENI). « On assiste à une série d’arrestations du personnel de la CENI, accusé d’aider l’un ou l’autre camp » précise Thierry Vircoulon à Afrikarabia
Pour sauver les législatives, de nombreuses ONG ont réclamé l’arrêt du comptage et de la « compilation » des résultats dans les Centres locaux (CLCR). Devant le flot de critiques de la communauté internationale et l’absence très remarquée de chefs d’Etats à l’investiture de Joseph Kabila, la CENI calme le jeu et accepte une mission d’experts américains et anglais pour « superviser » la compilation des résultats.
L’arrivée de cet « appui technique international » est plutôt vécu comme une bonne nouvelle par les nombreux observateurs du scrutin. A l’image de la mission AETA-EurAc, qui a envoyé 90 observateurs internationaux et 3.000 observateurs congolais sur place et qu’Afrikarabia a contacté . Cette mission a été le témoin « de la mauvaise préparation des élections » et des irrégularités qui ont « fort entaché tout le processus électoral et ont contribué à diminuer la confiance et la crédibilité » du scrutin. Pour Donatella Rostagno, du Réseau Europe – Afrique centrale (EurAc), « l’approche de l’appui technique de la Monusco (mission de l’ONU en RDC) et de la supervision internationale nous parait une solution réaliste qui pourra consolider et assurer une crédibilité relative à la phase de compilation des résultats« . L’autre atout de l’expertise internationale, pour Donatella Rostagno, sera « d’assurer des effets rétroactifs sur les résultats déjà publiés en cas de contestation« … et elles sont nombreuses. Donatella Rostagno souhaite enfin que l’arrivée de ces experts soit l’occasion à la société civile congolaise (tenue à l’écart du processus électorale par la CENI), de jouer un rôle dans ce scrutin, en déployant notamment des observateurs dans les centres de compilation (CLCR).
Cet appui technique sera-t-il suffisant à redonner une crédibilité aux résultats de la Commission électorale congolaise ? Difficile de le penser. D’abord, parce qu’en remettant en cause la régularité des élections législatives, on remet en cause la présidentielle, qui a eu lieu le même jour. Et le pouvoir en place à Kinshasa ne semble pas disposé à mettre en danger la réélection de Joseph Kabila. Deuxième difficulté : l’étendu du nombre d’irrégularités. Thierry Vircoulon, d’International Crisis Group confiait à Afrikarabia, avant l’annonce de l’arrivée d’une mission internationale, que « le niveau de désorganisation était tel, qu’il rendait toute tentative de vérification problématique.. voir impossible« .
En attendant, l’annonce des résultats des législatives, prévue le 13 janvier 2012, a été reportée à une date ultérieure.
Christophe RIGAUD