L’Union européenne a décidé de geler les avoirs et d’interdire l’obtention de visas à sept membres des services de sécurité de la République démocratique du Congo (RDC), alors qu’aux Etats-unis le Trésor américain vient de sanctionner le Ministre de l’Intérieur Evariste Boshab, et le patron des services de renseignements, Kalev Mutond.
Les 28 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE) ont décidé ce lundi de sanctionner sept hauts dignitaires congolais responsables de la violente répression des manifestations de septembre 2016. Un bilan réalisé par des ONG internationales avait fait état d’au moins 50 morts. Par cette décision, l’Union européenne tente d’exercer une dernière pression sur le pouvoir à quelques jours du 19 décembre, date de la fin du mandat de Joseph Kabila. Pour l’UE « le 19 décembre reste lourd d’incertitudes et de risques, après les récents épisodes de répression et de violations des droits fondamentaux. »
Gel des avoirs et interdiction de visas
A l’instar des Etats-unis, l’Europe a décidé de frapper fort en sanctionnant « sept individus qui occupent des positions de responsabilité dans la chaine de commandement des forces de sécurité congolaises qui ont fait un usage disproportionné de la force. » L’Union européenne impose un gel des avoirs et une interdiction de visas. Une sanction qui peut d’autant plus porter ses fruits que la majorité des personnes sanctionnées par l’Europe l’ont déjà été par les autorités américaines en septembre. En clair, ces haut dignitaires congolais ne peuvent plus se rendre aux Etats-unis et en Europe et leurs avoirs ont été gelés dans ces pays. Les sanctions européennes étaient réclamées depuis plusieurs semaines par les ONG de défense des droits de l’homme, comme Human Rigths watch (HRW). L’Europe étant une destination très prisée par les élites congolaises et leurs familles, ces sanctions pourraient donc avoir une certaine efficacité.
La fine fleur de l’appareil sécuritaire congolais
Au total ce sont sept personnalités congolaises qui sont visées par les sanctions européenne. La première est Ilunga Kampete. Ce commandant de la garde républicaine (GR) était responsable des unités déployées sur le terrain et impliquées dans la répression de septembre 2016 à Kinshasa. On trouve ensuite un général de l’armée régulière : Gabriel Amisi Kumba dit « Tango four », de triste réputation à l’Est du pays, et aujourd’hui commandant de la première zone de défense dont dépend Kinshasa. Trois hauts responsables de la police nationale suivent : Ferdinand Ilunga Luyoyo, commandant de l’unité anti-émeute, appelée Légion nationale d’intervention ; Célestin Kanyama, commissaire de la police nationale congolaise (PNC) et John Numbi, ancien inspecteur général de la police nationale, mis au vert par Joseph kabila après l’assassinat du défenseur des droits de l’homme, Floribert Chebeya. Enfin, le chef du service du renseignement militaire (ex-DEMIAP), Roger Kibelisa, figure également sur la liste des sanctions européennes.
Kalev et Boshab rattrapés par les sanctions américaines
Curieusement, les principaux supérieurs hiérarchiques de ces hauts responsables sécuritaires sont absents de la liste de l’Union européenne. Kalev Mutond, patron des très redoutés services de renseignements congolais et Evariste Boshab, ministre de l’Intérieur, ne font pas partie des personnalités visées. C’est qu’à Bruxelles, les 28 ne sont pas tous sur la même ligne concernant le dossier congolais. L’Europe apparait en tout cas plus timorée que Washington pour sanctionner Kinshasa puisque Kanyama, Numbi ou Amisi avaient déjà été ajoutés sur la liste noire des Etats-unis fin septembre 2016. Mais ce jeudi, les américains, sans aucun doute en concertation avec Bruxelles, ont pris le relais des Européens en prononçant des sanctions financières contre les Kalev Mutond et Evariste Boshab.
Un message pour Joseph Kabila
Selon le Trésor américain, Evariste Boshab est accusé d’être un « acteur clé » dans la stratégie du président Kabila de rester au pouvoir après le délai légal du 19 décembre 2016. Quant à Kalev Mutond, Washington lui reproche son rôle de coordination dans la répression sanglante des 19 et 20 septembre 2016, mais aussi dans l’exportation illégale de minéraux. Avec ces sanctions ciblées, Bruxelles et Washington exercent un ultime coup de pression sur Kinshasa avant de probables nouvelles manifestations à partir du 19 décembre… et de possibles dérapages. Pour Human Rights Watch, ces sanctions constituent un signal fort à destination du gouvernement congolais qui « devraient mettre fin aux mesures de répression ». Mais surtout, le message de Washington est adressé au président Joseph Kabila « qui devrait s’engager publiquement à respecter la Constitution et annoncer qu’il quittera ses fonctions » conclut la directrice d’HRW pour l’Afrique centrale, Ida Sawyer. Quand aux autorités congolaises, elles ont qualifié ce lundi les sanctions européennes « d’illégales » et « aux antipodes du droit international », et promettent de saisir la justice.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia