Dans l’attente du « dialogue national » inter-congolais promis par le président Joseph Kabila, Vital Kamerhe vient de lancer le « Front commun de l’opposition » (FCO), avec plusieurs autres partis d’opposition. Avec cette nouvelle structure, Vital Kamerhe tente de s’imposer comme le personnage incontournable de l’opposition, mais sans le MLC et l’UDPS « historique » d’Etienne Tshisekedi.
Depuis mardi, le « Front commun de l’opposition » (FCO), se propose d’unifier l’opposition politique congolaise, en vue du futur (et hypothétique ?) « dialogue national », annoncé en décembre dernier par le président Joseph Kabila. Prévu « début 2013 », le dialogue inter-congolais peine à se mettre en place. Beaucoup n’y voit qu’une simple « distraction » du pouvoir en place pour « enfumer » le débat et « débaucher » quelques membres de l’opposition en signe « d’ouverture ». L’opposant Etienne Tshisekedi, patron de l’UDPS, premier parti d’opposition, et le MLC, deuxième groupe d’opposition parlementaire, ne semblent pas encore disposés à participer au « dialogue » proposé par Joseph Kabila. En cause : les élections contestées de novembre 2011, dont Etienne Tshisekedi ne reconnaît pas les résultats.
Du côté de Vital Kamerhe, arrivé en troisième position à la présidentielle, la donne est différente. Le retour de la guerre à l’Est avec le M23, les accords d’Addis-Abeba, sont autant de sujets qui nécessitent un large débat politique « transparent » afin de « favoriser la réconciliation et la démocratisation ». Autour de Vital Kamrehe, président de l’UNC, on retrouve le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, Gilbert Kiakuama et les « Forces acquises au changement » (FAC) du député Jean-Claude Vuemba. Le groupe d’opposition parlementaire de l’UDPS à l’Assemblée nationale fait également partie de l’aventure. Exclus par Etienne Tshisekedi, qui avait souhaité le boycott des institutions, ce groupe ne fait « officiellement » plus partie de l’UDPS. Le MLC de l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba (actuellement devant la Cour pénale internationale de La Haye), est également absent du « Front commun de l’opposition » (FCO).
Avec une UDPS enfermée par le mutisme d’Etienne Tshiskedi et un MLC sans leader depuis l’incarcération de Jean-Pierre Bemba, l’opposition est inexistante et atone en RDC. Un désert politique dont Vital Kamerhe a toujours pensé profiter. Ce fut le cas en novembre 2011, avec une convenable troisième place à la présidentielle (7,74%), même si les résultats sont contestables et entachés de fraudes massives. En 2010 Vital Kamerhe avait opéré une mue politique à grande vitesse, passant en quelques mois de la majorité présidentielle (où il était très proche de Joseph Kabila) à l’opposition. Une mue plutôt réussie.
Mais depuis les élections, le leader de l’UNC peine à trouver son positionnement. Il faut dire que la création d’une nouvelle rébellion à l’Est et le retour de la guerre a changé le scénario. Le président Joseph Kabila, affaibli par sa réélection contestée, a pu endossé le costume de la « victime agressée » et reprendre ainsi la main sur les dossiers de politique intérieur. En sonnant l’heure de la « réconciliation nationale » et de l’unité, Joseph Kabila a retrouvé une certaine « légitimité » internationale et a également poussé l’opposition à sortir de son mutisme. Comme on pouvait s’y attendre, Etienne Tshisekedi a refusé en bloc tout dialogue avec Joseph Kabila, ce qui obligeait Vital Kamerhe a prendre le contre-pied du leader de l’UDPS. Un positionnement délicat pour Kamerhe, qui le place désormais avec les opposants prêts à composer avec le président congolais.
Mais Vital Kamerhe joue également une autre carte. La reprise des hostilités à l’Est de la RDC, l’arrivée de la Brigade spéciale de l’ONU, le replace au centre d’un dossier qu’il connaît bien : la guerre aux Kivus. En 2001, en pleine seconde guerre du Congo, Vital Kamerhe est commissaire général du gouvernement chargé du suivi du processus de paix dans la région des Grands lacs. S’en suit le célèbre « Dialogue inter-congolais », que souhaite actuellement remettre au goût du jour Joseph Kabila. Sur le dossier de l’Est, Kamerhe estime avoir son mot à dire et son expertise à apporter. L’ancien président de l’Assemblée nationale dresse un « constat amer » de l’accord-cadre d’Addis-Abeda et constate qu’il n’y a pas « d’avancées significatives ». Les 11 pays signataires s’étaient engagés à soutenir le retour à la paix en RDC et à ne pas aider les groupes armés. Force est de constater que les combats ont repris depuis ce lundi autour de Goma, sans que la communauté internationale, ni les pays de la région, ne bougent.
Dans cette situation de bloquage, Vital Kamerhe sait que toutes les bonnes volontés seront consultées le moment venu. L’homme est né à Bukavu au Sud-Kivu, et connaît parfaitement les acteurs du conflit. Ce qui fait une force dans le dossier du conflit aux Kivus constitue une faiblesse lorsque l’on veut s’adresser à l’ensemble des Congolais, toujours très « méfiants » à propos des Kivutiens, pour ne pas dire plus. La logique des alliances politiques est donc indispensable pour Vital Kamerhe, s’il veut atteindre le sommet de l’Etat, ce qui semble être le cas. Le « Front commun d’opposition » (FCO) constitue donc sa nouvelle plateforme pour élargir sa base électorale : quelques UDPS (même en délicatesse avec leur patron), Léon Kengo, bien implanté en Equateur, un libéral (la doctrine affichée de Kamerhe), avec Gilbert Kiakuama et Jean-Claude Vuemba, du Bas-Congo et dynamique cheville ouvrière de l’opposition.
Vital Kamerhe continue donc sa logique d’exposition maximum pour exister sur l’échiquier politique et gagner ses galons d’opposant au président Kabila. Le futur « dialogue national », s’il s’ouvre, constitue une énorme caisse de raisonnance. Reste donc à attendre le fameux « dialogue inter-congolais » nouvelle version, qui devrait se tenir « très prochainement », « dans les prochains jours », si l’on en croit le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende. A moins que la situation à l’Est n’en décide autrement.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo : Vital Kamerhe lors du lancement du FCO en mai 2013 © DR