Des experts internationaux dénoncent la responsabilité des autorités congolaises dans le glissement du calendrier électoral et le très probable report de la présidentielle de novembre 2016. Une crise politique qui risque de plonger le pays dans l’instabilité et la violence.
« Le gouvernement est responsable de nombreux retards artificiels dans le processus électoral » estime le Groupe d’étude sur le Congo (GEC), un centre de recherche de l’Université de New York. Des obstacles à la tenue des élections volontairement entretenus par le camp présidentiel afin de maintenir Joseph Kabila au pouvoir au-delà de la fin de son dernier mandat qui s’achève en décembre 2016. Selon ces experts, les retards accumulés par la Commission électorale (CENI) ne permettent pas d’organiser une élection présidentielle de manière « équitable et transparente » en novembre 2016, comme prévue. Une décision de la Cour constitutionnelle a fini par jeter le trouble en autorisant le président Kabila à rester dans son fauteuil jusqu’à l’élection de son successeur. Une manoeuvre que l’opposition dénonce de plusieurs mois et qui la pousse à montrer ses muscles dans la rue.
Une CENI « politisée »
Dans un rapport très détaillé, le GEC revient sur la lente agonie du processus électoral congolais et pointe les autorités congolaises comme principales responsables. Au rang des accusés, il y a tout d’abord la Commission électorale (CENI) qui apparaît comme « politisée » par les experts et qui est perçue « comme un arbitre partial ». « Sur les six membres du Bureau de la CENI, deux proviennent de l’opposition. Récusés par leurs partis politiques, ils continuent cependant de siéger. De même, sur les 7 membres restants de l’assemblée plénière, deux sont issus de l’opposition, mais ne sont plus reconnus par leurs partis. Cette situation reflète la ruse de la majorité, mais aussi les faiblesses internes de l’opposition » note le rapport.
« La CENI a perdu du temps »
La crédibilité du fichier électoral est également au centre des controverses. Depuis les élections chaotiques et contestées de 2011, le fichier ne correspond plus à la réalité du corps électoral congolais. D’après l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), 1,6 millions de personnes décédées n’ont pas été retirées du fichier et 8,5 millions de nouveaux majeurs n’y ont pas été rattachés. L’OIF relève 450.000 doublons dans ce fichier que les autorités congolaises avaient largement le temps de « nettoyer » depuis le scrutin de 2011. Mais rien n’a été fait. A quatre mois du scrutin, il est maintenant trop tard pour corriger le tir. Selon les expertises internationales, il faudrait entre 6 et 24 mois pour fiabiliser le fichier électoral, la CENI estimant sa révision entre 13 et 16 mois. « Cependant, explique le GEC, ces divergences ne justifient ni n’expliquent le retard accumulé dans le lancement de la révision du fichier électoral (…). Par ailleurs, la CENI a perdu du temps en s’employant, sur instigation de la Primature, dans un marché de gré à gré en novembre 2015, avant que le nouveau président de la CENI n’annule la démarche et ne lance un appel d’offres ouvert en février 2016 ».
Manque de moyens financiers
Le dernier point qui prouve le manque de volonté politique pour organiser les élections dans les temps est financier. L’argent prévu par le gouvernement pour la Commission électorale arrive au compte-gouttes. En 2012 et 2013, seules 15% des sommes parviennent à destination, et 25% en 2014 et 2015. Plus inquiétant le Premier ministre Augustin Matata Ponyo « a exprimé ses inquiétudes de ne pouvoir poursuivre les versements au regard des difficultés économiques auxquelles se trouve confronté le gouvernement en raison de la chute des prix des matières premières ». « S’il est, en effet, impératif de réviser le fichier électoral afin de rétablir la confiance dans l’institution et d’empêcher des tentatives de fraude, il s’avère quasiment impossible que celui-ci puisse être révisé avant la fin de 2016, ce qui repousse les élections au-delà du délai constitutionnel » conclut le GEC.
Vers l’épreuve de force ?
Dans ce contexte de crise politique aiguë, le pouvoir semble jouer avec le feu pour maintenir son poulain au Palais présidentiel. L’opposition, en manque de moyens de pression efficaces s’en remet donc à la rue et cherche l’épreuve de force avec le risque d’un embrasement généralisé. En janvier 2015, de violentes manifestations contre la loi électorale avaient été lourdement réprimées par les forces de l’ordre, faisant une quarantaine de morts. Fin juillet 2016, le retour de l’opposant Etienne Tshisekedi et son grand meeting quatre jours plus tard ont jeté dans les rues des centaines de milliers de Congolais fortement hostiles à un maintient au pouvoir du président Kabila.
Besoin de clarifications
Afin d’éviter le pire, les experts du GEC demandent au chef de l’Etat de déclarer clairement « qu’il ne sera pas candidat aux prochaines élections, et que l’article 220 de la Constitution ne sera pas révisé », en d’autres termes qu’il ne cherchera pas à modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat. Le GEC souhaite que le gouvernement fournisse les moyens nécessaires à la CENI pour organiser les scrutins à venir et que de nouveaux membres soient nommés au sein de la Commission « pour garantir la représentativité de l’opposition ». Si la communauté internationale hésite encore à se montrer plus offensive sur le respect de la Constitution, le GEC note l’attitude des Etats unis qui ont commencé à imposer des sanctions à l’encontre de certains responsables congolais. Pressions, qui pour le moment ne semblent pas impressionner Kinshasa. Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende a estimé à l’AFP que le rapport des experts internationaux « cherchait la petit bête ».
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
SVP, il ne s’agit pas de demander à Kabila de ne pas briguer un 3eme mandat, mais de ne pas operer de glissement. de se soumettre à la constitution après 15 ans d’exercise de pouvoir desastreux.