La crise pré-électorale qui couve en République démocratique du Congo (RDC) pourrait bien déboucher sur une nouvelle période d’instabilité selon un rapport du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP).
Georges Berghezan, l’auteur de cette note, semble bien peu optimiste sur l’évolution de la situation politique et sécuritaire en RDC. Devant le report très probable de l’élection présidentielle, prévue fin novembre, et le flou sur l’avenir du président Joseph Kabila, dont la Constitution lui interdit de briguer un troisième mandat, les tensions sont de plus en plus vives entre majorité et opposition. La répression politique s’accroît sur les opposants et « l’espace démocratique se restreint » selon les Nations-unies. Dans ce climat délétère, le GRIP estime que « des troubles graves sont prévisibles dans plusieurs régions du pays » : Kinshasa, les deux Kivus et l’ex-Katanga.
La popularité de Joseph Kabila « en chute libre »
Dans la capitale congolaise, qui a toujours été « un des fiefs de l’opposition au kabilisme, nul n’a oublié la sanglante répression des manifestations de janvier 2015, en réaction à l’intention du Parlement – finalement abandonnée sous la pression de la rue – de changer la Constitution pour autoriser ce troisième mandat ». Une violente répression qui aurait fait « au moins 42 morts » selon les ONG internationales. Georges Berghezan pointe ensuite les deux capitales provinciales des Nord et Sud-Kivu, Goma et Bukavu, « où la popularité du président est en chute libre depuis plusieurs années ». Pour le GRIP « la population ne profite nullement de la croissance économique du pays (8,9 % en 2014) et, d’autre part, elle continue à payer le prix d’une profonde insécurité ». Depuis fin 2014, la région de Beni est la cible d’attaques répétées de groupes armés, portant aujourd’hui le bilan à plus de 300 morts. L’impuissance de l’armée et l’Etat, malgré les deux visites du président Kabila dans la région, n’y ont rien fait, si ce n’est d’exaspérer encore plus des populations lassent d’un conflit sans fin. 70 groupes armés sont encore recensés dans les deux Kivus fin 2015.
L’ex-Katanga au centre de toutes les attentions
La province la plus sensible selon le GRIP reste tout de même le Katanga, où du moins ce qu’il en reste après le récent découpage territorial qui porte de 11 à 21 nouvelles provinces. « L’avenir de Joseph Kabila passe aussi par le Katanga, explique Georges Berghezan, fief familial et politique où plusieurs alliés de poids du régime ont ouvertement rompu avec le parti au pouvoir, en particulier Moïse Katumbi, gouverneur de la province jusqu’à son démantèlement en juin 2015 ». Le rapport note que les hauts responsables des administrations et de l’appareil militaire issus du Katanga sont « surreprésentés dans les postes à haute responsabilité ». La riche province minière attise les convoitises et demeure toujours instable. A partir de 2013, un nouveau groupe armé « clairement sécessionniste », les Kata Katanga (du swahili : « couper le Katanga », sous-entendu « du reste de la RDC »), est opportunément sortie de l’ombre pour rappeler à Kinshasa une certaine « indépendance » de la province.
« Kabila prêt à recourir à la force »
Pour le GRIP, « L’ascension des Kata Katanga ne peut donc s’expliquer que par des complicités haut- placées. La personnalité la plus souvent citée est le général John Numbi, ancien chef de l’armée, spécialiste de la répression brutale depuis l’époque de Mobutu. Alors qu’il était chef de la police, il a été soupçonné d’avoir commandité le meurtre du défenseur des droits de l’homme, Floribert Chebeya, en 2010. Bien qu’ayant échappé à toute poursuite, il a été démis de ses fonctions et renvoyé dans sa province natale du Katanga ». Ce groupe armé a été « mis en veilleuse » selon Georges Berghezan, « en attendant les déroulements politiques qui ne manqueront de se produire plus tard dans l’année ». Cependant, une chose est sûre pour ce chercheur, « Kabila est visiblement prêt à recourir à la force pour s’accrocher au pouvoir. Et de nombreux autres y sont également prêts, mais pour s’en débarrasser ». De quoi s’inquiéter pour l’année à venir.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia