Depuis la victoire écrasante de Félix Tshisekedi à la présidentielle et aux législatives de 2023, l’opposition congolaise n’a jamais été aussi faible et divisée. Alors qu’une poignée de députés va tenter de faire entendre sa voix à l’Assemblée nationale, une opposition extra-parlementaire et plus radicale cherche à s’organiser.
Les élections de 2023 ont laissé l’opposition K.O debout. Avec 73% des voix à la présidentielle et presque 90% des sièges à l’Assemblée nationale, Félix Tshisekedi et son Union sacrée ont fait main basse sur l’ensemble des institutions congolaises, Sénat et Assemblées provinciales comprises. A la chambre basse, l’opposition est désormais représentée par le parti Ensemble de Moïse Katumbi et ses alliés avec 24 élus sur les 477 sièges à pourvoir. Viennent ensuite les 3 députés du Nouvel Elan d’Adolphe Muzito et l’unique siège de Matata Ponyo et de son parti LGD. Au total, l’opposition est réduite à la portion congrue avec seulement 30 élus. Arrivé en troisième position à la présidentielle, derrière Moïse Katumbi (18%), Martin Fayulu (5%) avait refusé de présenter des candidats aux législatives, tout comme le FCC de Joseph Kabila, pour dénoncer le manque de transparence du scrutin.
« Ce n’est pas le nombre de députés d’opposition qui compte »
La seule force d’opposition présente et organisée à l’Assemblée nationale sera donc celle de Moïse Katumbi. Chez Ensemble, on espère bien donner de la voix. « La majorité sociologique n’est absolument pas représentée dans ces institutions, où le grand Sultan congolais n’a toléré que 5% d’élus d’opposition, explique Olivier Kamitatu à Afrikarabia. Ce n’est pas le nombre qui compte. Les déclarations de Christian Mwando à l’Assemblée ou du prochain chef de file au Sénat seront tout aussi fortes qu’une dizaine de chefs de groupe d’une majorité bigarrée ». Pour le porte-parole de Moïse Katumbi, le scrutin chaotique de décembre de 2023 a été d’entaché de nombreuses irrégularités. « On ne s’attendait pas à ce type de fraude. Notamment que le scrutin se tiennent sur 2 jours, 3 jours et au final sur 7 jours et 7 nuits ».
« Un simulacre d’élection »
Même son de cloche dans le camp de Martin Fayulu. « On a vu les machines à voter tourner jours et nuits dans les domiciles de responsables de l’Union sacrée. Nous sommes également allés aux élections sans fichier électoral audité. Il n’y a pas eu d’élections, mais plutôt un simulacre d’élection » s’indigne Devos Kitoko, le secrétaire général de l’Ecidé, contacté par Afrikarabia. Mais les convergences de vues entre l’Ecidé et le parti de Moïse Katumbi s’arrête là. Plusieurs semaines avant le scrutin, devant l’absence de garanties de transparence du scrutin et l’échec d’une candidature commune de l’opposition, Martin Fayulu décide de se présenter à la présidentielle, mais de boycotter les législatives. Une stratégie qui laisse perplexe jusque dans ses propres rangs. Depuis, le camp Fayulu refuse de reconnaître la légitimité de ces élections, mais aussi le rôle de l’opposition parlementaire.
Pas de porte-parole de l’opposition pour Fayulu
Pour Devos Kitoko, « l’Ecidé n’est pas dans l’opposition, mais dans la résistance ». Conséquence : le parti de Martin Fayulu a refusé de s’associer à l’initiative d’Ensemble pour désigner un porte-parole de l’opposition. « Nous refusons de parler d’opposition. Et surtout, nous ne voulons pas légitimer ce pouvoir en jouant un quelconque rôle institutionnel ». Une position qui l’éloigne du parti katumbiste. « Nous avons considéré qu’il fallait aller aux élections, explique Olivier Kamitatu, et que dès lors que nous sommes dans les institutions, on a un rôle à y jouer, sans concession, sans compromission et en restant ferme sur nos positions. Nous sommes cohérents. Le peuple s’est exprimé, même s’il y a eu tricherie ».
Vers une opposition hors institutions
Accusé de s’être isolé par ses positions radicales, le camp Fayulu tente de fédérer autour d’un bloc d’opposition extra-parlementaire. Delly Sesanga, soutien de Moïse Katumbi à la présidentielle vient, lui aussi, de se désolidariser du mécanisme de désignation du porte-parole de l’opposition. Devos Kitoko annonce vouloir réunir autour de la table toutes les parties prenantes, afin de trouver un consensus au sein des oppositions. Personne n’y serait exclu : opposition parlementaire, société civile, églises catholique et protestante, et même le FCC de Joseph Kabila, « le fabricateur de Félix Tshisekedi » selon Devis Kitoko. Si les oppositions paraissent pour l’instant irréconciliables, d’importants défis attendent pourtant les opposants à Félix Tshisekedi. Il y a la guerre à l’Est, dans laquelle les autorités échouent à trouver une porte de sortie ; la lutte contre la corruption, qui ne semble pas avoir diminuée, notamment dans les cercles proches du pouvoir ; mais il y a surtout le possible projet de modification de la Constitution qui pourrait permettre au chef de l’Etat de s’accrocher à son fauteuil au-delà de son deuxième et dernier mandat.
Tous pour la défense de la Constitution
« Nous pouvons, et nos devons tous nous retrouver sur la défense de la Constitution. C’est une évidence. Il serait criminel de partir en ordre dispersé sur un sujet aussi important, simplement pour des questions d’ego » plaide Olivier Kamitatu. « Il faut quitter ce problème des individualités et avoir un agenda commun et travailler de concert sur des points où nous devons tous être intransigeants ». La galaxie de l’opposition peut également compter sur Matata Ponyo pour faire entendre une voix critique sur la politique de Félix Tshisekedi. Toujours suspendu à un retour devant la justice en juillet dans l’affaire de détournement de fonds présumé du projet Bukanga Lonzo, l’ancien Premier ministre cultive sa posture d’opposant dans un procès qu’il voudrait bien faire passer pour « politique ». Matata Ponyo s’est clairement positionné contre toute révision de la Constitution, et vient de rejoindre l’initiative d’Ensemble pour désigner le porte-parole de l’opposition.
Des opposants rentrent dans le rang
Un autre opposant, candidat à la présidentielle, s’est rapproché de la majorité. Il s’agit d’Adolphe Muzito (1,13%), qui s’est prononcé en faveur d’une possible révision de la Constitution, et s’était déclaré « disponible » pour intégrer le futur gouvernement de Judith Suminwa. Son appel ne sera pas entendu, et on peut se demander si les 3 députés de son parti, Nouvel Elan, sont désormais à classer dans les rangs de l’opposition. Pour Constant Mutamba, lui aussi candidat à la présidentielle, sa situation est beaucoup plus claire puisqu’il vient d’intégrer le gouvernement au poste de ministre de la Justice, et donc de quitter ses habits d’opposants. Dans cette nouvelle donne, un autre acteur voudrait bien faire entendre sa voix d’opposant. Mais voilà, Jean-Marc Kabund est en prison depuis août 2022. L’ancien secrétaire général de l’UDPS, le propre parti de Félix Tshisekedi, est tombé en disgrâce après l’annonce de la création de son nouveau parti, Alliance pour le Changement et des critiques acerbes contre le président, qualifié de « danger au sommet de l’Etat ».
Le parti de Kabund à l’offensive
Condamné à 7 ans de prison pour « outrage au chef de l’Etat », Jean-Marc Kabund constituait clairement une menace pour le camp présidentiel à l’approche des élections de 2023. Officiellement, l’ancien patron de l’UDPS est incarcéré jusqu’en 2029, bien après la prochaine présidentielle de 2028. Pourtant, son parti s’active. Ghislain Mwanji, porte-parole d’Alliance pour le Changement , considère Jean-Marc Kabund comme « un prisonnier politique embastillé par Félix Tshisekedi ». Le parti prépare un plan d’action pour faire pression sur le pouvoir afin de libérer son président… avant 2028. Classé dans la franche radicale de l’opposition, Jean-Marc Kabund a reçu la visite de Martin Fayulu dans sa cellule de la prison de Makala. Le prix Nobel de la Paix, Denis Mukwege, qui désirait rencontrer l’ancien Premier vice-président de l’Assemblée nationale en avait été empêché. Une possible libération de Jean-Marc Kabund pourrait ainsi renforcer l’opposition extra-parlementaire. Reste qu’elle est pour le moment très improbable.
Les kabilistes en stand-by
En-dehors des institutions, pour cause de boycott, le camp de l’ancien président Joseph Kabila, reste en éveil. Si beaucoup de députés et de cadres du PPPR et du FCC ont quitté le navire comme l’ancien président de l’Assemblée nationale, Evariste Boshab, ou le tonitruand porte-parole de la kabilie, Lambert Mende, certains sont restés fidèles au raïs. Néhémie Mwilanya Wilondja, Emmanuel Ramazani Shadary, Raymond Tshibanda ou Aubin Minaku font partie de ceux-là. A la différence de Martin Fayulu, le FCC a, certes, boycotté les législatives, mais la plateforme a également refusé de présenter tout candidat à la présidentielle. Comme chez Fayulu, cette stratégie a été mal acceptée en interne. Beaucoup se demandent si Joseph Kabila a réellement une stratégie ? Le problème, c’est que l’ancien président n’est pas bavard… surtout lorsqu’il s’agit de son avenir. A défaut d’un cap clair, les pro-Kabila prennent leur mal en patience.
M23 et Nangaa main dans la main
Si certains kabilistes attendent le retour du Messie, d’autres se sont tournés vers l’Alliance fleuve Congo (AFC), la plateforme politico-militaire de Corneille Nangaa, l’ancien patron de la Commission électorale (CENI) sous Joseph Kabila. Adam Chalwe, Henry Maggie ou Yannick Tshisola, tous responsables de la jeunesse au sein du PPRD, ont rejoint le mouvement, qui s’est allié à la rébellion du M23. A Kinshasa, les autorités n’ont pas tardé à établir un potentiel lien entre Joseph Kabila et le mouvement militaire qui souhaite renverser Félix Tshisekedi. Le FCC a rejeté ces accusations en bloc, fustigeant « une campagne de diabolisation ». Pourtant, il est clair que le camp Kabila, comme le reste de l’opposition extra-parlementaire, ne peut ignorer les objectifs de l’Alliance fleuve Congo de destituer Félix Tshisekedi. Tous s’accordent à dire, qu’en-dehors d’institutions illégitimes, seul le peuple congolais « peut se prendre en charge ». Mais pour l’instant, aucun mouvement politique reconnu ne soutient l’Alliance fleuve Congo. La plateforme de Nangaa fait, pour l’heure, davantage de bruits sur les réseaux sociaux que sur le terrain.
Une population résignée
Si le camp Kabila attend que la situation politique évolue pour enfin se positionner, avec ou sans Kabila, l’ancien président de la CENI a franchi le rubicon. Corneille Nangaa se positionne comme la vitrine politique de la rébellion M23, soutenue par Kigali. Une vitrine qui permet au mouvement rebelle d’afficher des visages reconnus de l’échiquier politique congolais comme Corneille Nangaa, Adam Chalwe ou Jean-Jacques Mamba, venu du MLC de Jean-Pierre Bemba. L’objectif est de gommer l’image d’un M23, uniquement venu pour défendre la communauté rwandophone. La rébellion espère également pouvoir avancer un mouvement acceptable pour Kinshasa en cas de négociations avec le gouvernement. Pour l’heure, le conflit reste gelé à l’Est, et l’Alliance fleuve Congo, cantonné au Nord-Kivu, n’a pas rallié un enthousiasme massif de la population. De même que pour l’opposition politique, ses appels à descendre dans la rue après la réélection contestée de Félix Tshisekedi n’ont pas été suivis par la rue congolaise.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Christophe, tu le sais comme moi que Naanga et ses compagnons que roulent pour « Joseph Kabila ». Naanga et ses amins sont des larbins Rwando-Ougandais, ils n’ont aucun pouvoir au sein de M23, un groupe armé étranger monoethnique Tutsi avec comme chefs, Kagame et Museveni. Ces clowns n’auront jamais le support et l’adhésion de la population congolaise.
Ces gens représentent rien, j’ai beaucoup de respect pour le Président Fayulu qui avait gagné l’élection présidentielle de 2018, haut la main et grâce à son patriotisme et l’amour de ses compatriotes, il a refusé de prendre les armes. Katumbi aussi est un grand homme, un homme de la paix. D’une façon générale, j’ai un mépris pour les politiciens congolais, ils n’ont aucune conviction, des racailles, des maffieux et des commerçants. Je félicite Shadari, Néhemie, Minaku et autres de rester fidèles à leur chef, un acte rare en RDC, Bravo. Le Président Fatshi aime vraiment son pays mais le système est tel qu’il est coincé pour travailler. C’est pour cela, je plaide pour le changement de certains articles de la constitution pour empécher que les élus prennent le pays en otage, cumul des mandats, salaire exhorbitant « etc » mais je suis contre qu’on modifie la durée du mandat présidentiel.