Expansion territoriale, soutien militaire de Kigali, recrutement, chaîne de commandement, exploitation des minerais… Afrikarabia propose une analyse complète du dernier rapport onusien sur le M23. Un document qui pointe également la collusion entre l’armée congolaise et les groupes armés Wazalendo et FDLR.
Deux fois par an, le groupe d’experts de l’ONU sur la République démocratique du Congo (RDC) publie un rapport sur la situation sécuritaire du pays, en proie à des conflits récurrents depuis 30 ans. Cette dernière livraison hivernale dévoile une nouvelle fois l’ampleur croissant du soutien du Rwanda aux rebelles du M23, mais aussi les difficultés de la lutte contre les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé rallié à l’Etat islamique, ou encore la collaboration de l’armée congolaise avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), formées par d’anciens hauts responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Mais l’attention se porte sur le groupe armé le plus puissant et le mieux armé de l’Est congolais, le M23, qui bénéficie d’un soutien conséquent de son parrain rwandais. Si les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont gangrénées par la présence d’une bonne centaine de groupes armés, le M23 est la rébellion qui contrôle le plus vaste territoire au Nord-Kivu.
Chaque unité du M23 est supervisée et soutenue par le Rwanda
Ce nouveau rapport acte les avancées spectaculaires des rebelles vers le Nord, l’Ouest et le Sud de la province. D’avril à début novembre 2024, date de la clôture du rapport, la zone contrôlée par le M23, appuyé par l’armée rwandaise (RDF) a augmenté de 30 %. Le nombre de soldats rwandais présents sur le sol congolais est toujours estimé entre 3.000 et 4.000 hommes, déployés au Nord-Kivu, dans les territoires de Nyiragongo, Rutshuru et Masisi. Les experts onusiens soulignent que les troupes rwandaises « ont également soutenu l’avancée du M23 dans le territoire de Walikale » et que « chaque unité du M23 était supervisée et soutenue par les forces spéciales de la RDF ». La conquête de nouveaux territoires « n’aurait pas pu se faire sans l’aide de la RDF, qui a dirigé des opérations ciblées». Kigali « contrôle de facto » les opérations de la rébellion sur le front.
Le coltan de Rubaya bénéficie « à la fois au M23 et à l’économie rwandaise »
L’enquête de l’ONU révèle l’utilisation d’armes technologiques très sophistiquées comme des missiles guidés Spike, ou des systèmes de brouillage GPS, dont un a été retrouvé à Kanyabayonga, peu après la prise de contrôle de la région par le M23. Le rapport s’est aussi penché l’exploitation de la mine de Rubaya, l’une des plus grandes sources de coltan au monde. Le 30 avril 2024, la zone minière est occupée par le M23, qui en contrôle l’accès ainsi que les centres de négoces de Rubaya et Mushaki, mais aussi les routes de transport des minerais de Rubaya jusqu’au Rwanda. « L’extraction frauduleuse, le commerce et l’exportation vers le Rwanda des minérais de Rubaya ont donc bénéficié à la fois à la coalition AFC-M23 et à l’économie rwandaise » note le rapport. L’AFC-M23 administre également la zone, prélevant une redevance annuelle de 25 à 250 dollars aux creuseurs et aux opérateurs économiques. La rébellion a également doublé le salaire des creuseurs pour les inciter à rester. « La coalition AFC-M23 contrôlait ainsi le commerce et le transport d’environ 120 tonnes de coltan par mois. L’impôt sur la production et le commerce du coltan à Rubaya a ainsi généré au moins 800.000 dollars par mois » estiment les experts.
Des alliances entre le M23, Thomas Lubanga et groupe ZAÏRE
Au cours des derniers mois, le rapport de l’ONU pointe le renforcement des alliances du M23 avec d’autres groupes armés locaux. Il s’agit notamment du groupe ZAÏRE, qui combat l’armée congolaise (FARDC) en Ituri. Le patron de l’AFC, Corneille Nangaa, a pris contact avec les chefs de la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) et de la CODECO-URDPC. Les négociations seraient en cours. On apprend que Thomas Lubanga Dyilo, ancien Chef de guerre condamné à la Cour pénale internationale (CPI) et Yves Khawa Panga Mandro « ont joué un rôle clé dans le renforcement de la collaboration entre la coalition AFC-M23 et le groupe ZAÏRE. Innocent Kaina, alias India Queen, actuellement un commandant influent du M23, a travaillé en étroite collaboration sur ces questions avec Lubanga, à Kampala ». Et d’ailleurs, ces trois personnes ont toutes été vues à Kampala depuis juillet 2024, ce qui pose des questions sur la connivence possible entre le régime de Museweni et le M23.
Objectif Sud-Kivu ?
Le M23 tente également une percée au Sud-Kivu. « Des incursions sporadiques du M23 et de la RDF dans le territoire de Kalehe, comme à Lumbishi », ont été observées à la fin du mois de mai 2024. Bernard Byamungu, un commandant de la coalition AFC-M23 opérant autour de Sake, a joué le rôle de recruteur avec certaines factions de la région comme les Raïa Mutomboki et Maï-Maï Kirikicho, entraînant des défections au profit du M23. Une alliance s’est aussi créée entre les Twirwaneho de « Makanika », les RED Tabara et le M23, formant aussi des groupes supplétifs à la rébellion soutenue par Kigali. Pour conquérir de nouveaux territoires, le M23 recrute. Des recrutements « volontaires » ou « forcés, y compris de mineurs » note les experts, qui soulignent qu’entre le 25 septembre et le 31 octobre 2024, « au moins 3.000 recrues ont achevé leur formation ». Des formations militaires, mais aussi à destination « de cadres civils pour administrer les localités contrôlées », preuve que « le véritable objectif du M23 reste l’expansion territoriale, l’occupation et l’exploitation à long terme des territoires conquis ».
« Nangaa continue de demander l’autorisation de Makenga pour chaque opération »
Du côté de l’organigramme de la rébellion, les changements sont peu nombreux, et malgré la greffe d’une branche politique avec l’arrivée de Corneille Nangaa et son AFC, le M23 est bien le maître à bord au sein de la coalition. Le commandement militaire reste entre les mains de Sultani Makenga, patron de la rébellion de longue date. Le rapport de l’ONU indique que le « général » du M23 « continue de recevoir des instructions et un soutien de la RDF et des services de renseignement rwandais ». Quant à Corneille Nangaa, son rôle semble très limité et encadré par le M23 et Kigali. Les experts expliquent que si « le M23 est resté la branche militaire de facto de l’AFC, l’AFC de Nangaa a continué de demander l’autorisation de Makenga pour chaque opération ». Il est également intéressant de noter que devant l’ampleur de la tâche, le M23 a rappelé d’anciens membres des rébellions passées comme René Abandi, ex-cadre politique du Congrès national pour la défense du peuple CNDP/M23 et Jean-Marie Runiga, un temps leader du M23 jusqu’à sa destitution en 2013.
Une « dépendance » de Kinshasa aux Wazalendo
La rébellion soutenue par le Rwanda n’est pas la seule épinglée par le rapport des Nations Unies qui dénonce les collusions entre les FARDC et différents groupes armés. Sur le front Nord, pour lutter contre les islamistes ADF et combler un vide sécuritaire, l’armée congolaise « s’est souvent appuyée sur les groupes Maï-Maï locaux, notamment le Front patriotique pour le peuple/Armée du peuple de Kabidon et l’Union des patriotes pour
la libération du Congo du « général » Mayani. Récemment, des groupes armés Wazalendo, tels que le Nduma défense du Congo-Rénové (NDC-R) de Guidon Shimiray Mwissa, visé par des sanctions, se sont déployés dans
les zones riches en minéraux du territoire de Lubero, notamment dans les environs de Manguredjipa, sous le prétexte de protéger les civils des ADF ». Les Walando, nébuleuse de groupes armés hétéroclites qui combattaient l’armée régulière, ont également été appelés pour combattre le M23. l’ONU pointe une « dépendance » de la RDC à l’égard de ses groupes Wazalendo pour sa sécurité. Une dépendance des plus dangereuses lorsqu’il faudra, sans doute un jour, désarmer ces groupes, habitués aux exactions contre les civils, aux pillages et rackets pour survivre. Les liens incestueux entre certains hauts gradés de l’armée congolaise et les Wazalendo ont déjà été fortement documentés dans les précédents rapports onusiens.
Kinshasa « continue d’utiliser les Wazalendo et les FDLR comme supplétifs »
Une autre collusion entre Kinshasa et un groupe armé est particulièrement scrutée par les experts de l’ONU : la collaboration entre les FARDC et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). La neutralisation de ce groupe, composé d’ex-génocidaires, constitue un préalable pour que Kigali lève ses « mesures de défenses », c’est à dire retire ses troupes du Nord-Kivu. Fin septembre 2024, les FARDC avait mené une courte offensive contre les FDLR pour preuve de leur bonne volonté, notamment autour de Sake, afin de « neutraliser » le commandant Ntawuguka Pacifique, alias Omega Israel. Mais ces tentatives ont échoué, et les FDLR ont « renforcé leur défense, déplacé leurs positions clés et fusionné avec les groupes armés Wazalendo ». Et rien n’aurait évolué dans la coopération entre FARDC-FDLR dénoncé par l’ONU. « Le gouvernement congolais, malgré les appels répétés à mettre fin à son soutien aux FDLR, a continué d’utiliser les groupes Wazalendo et les FDLR comme supplétifs dans la lutte contre la coalition AFC-M23 et la RDF ».
Vers un pacte de non-agression entre le M23 et les ADF
Enfin, il est tout de même bon de rappeler qu’une centaine d’autres groupes armés pullulent encore à l’Est du pays, dont les très meurtriers ADF, une ancienne rébellion ougandaise qui s’est largement « congolisée » avec le temps et qui a fait allégeance à l’Etat islamique (EI) en 2019. Si le groupe armé, scindé en deux entités, a été fortement ciblé par l’opération Shujaa, une opération militaire conjointe entre les FARDC et l’armée ougandaise, les islamistes « ont fait preuve d’une certaine résilience ». Le rapport précise qu’en représailles de ces opérations, le groupe s’en est pris aux populations, « enregistrant ainsi, en juin 2024, le nombre le plus élevé de civils morts ». Les ADF restent donc toujours très actifs, ce qui amène les experts à « s’interroger sur la capacité de l’opération Shujaa de réduire les menaces pesant sur les civils ». Plus inquiétant, l’enquête de l’ONU démontre que des contacts ont eu lieu entre les ADF et certains membres de l’AFC et du M23. L’objectif du M23 étant « de négocier l’accès aux territoires sous leur contrôle ». En effet, depuis la poussée des rebelles vers le Nord, le M23 risque de se trouver dans les zones où sévissent les ADF. Selon l’ONU, « la coalition AFC-M23 voulait un pacte de non-agression avec les ADF, demandant un passage sûr ».
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Le titre est intentionnel. Journaliste du régime de Kinshasa. On comprend avec la loi Constant Mutamba. Mais in journaliste doit ētre objectif.
Les article précédents sur les rapports onusiens avaient des titres similaires : http://afrikarabia.com/wordpress/rdc-lonu-avance-des-preuves-du-soutien-rwandais-au-m23/ ou http://afrikarabia.com/wordpress/rdc-le-rapport-qui-accable-le-rwanda/ Ensuite, je vous enjoins de lire l’article… et pas simplement le titre. Enfin, malgré les déclarations de Constant de Mutamba, il n’existe pas de loi sur le sujet.
Here we are again! Cette fois ci, les « experts » ont essayé de se surpasser!
1. Ainsi « L’extraction frauduleuse, le commerce et l’exportation vers le Rwanda des minérais de Rubaya ont donc bénéficié à la fois à la coalition AFC-M23 et à l’économie rwandaise ».
Commentaire: Est ce que ces minerais se sont arrêtés sur le territoire rwandais ou ils ont poursuivis leur chemin vers les pays d’oû ces « experts » sont des ressortissants?
2. Le rapport se concentre sur ceux qui luttent pour leur existence sur la terre de leurs ancêtres et flore à peine les crimes des FDLR qui, après avoir tué des Tutsis au Rwanda, ont continué leur « travail » chez les Tutsis de la RDC}! Rapelons qu’ils sont arrivés accompagnés par des militaires français. Un cerain Bruno Lemarquis connait mieux que moi l’opération Turquoise,
3. Les « experts » découvrent que le M23 serait en alliance avec ADF! Eureka! So ludicrous as to be amusing.
Commentaire: Les « experts » ont ait de leur mieux pour imposer un narratif qui plairait aux vrais commenditaires du rapport. Eventuellement leurs mortgages seront remboursés très vite. Mais leurs rapports ne changeront rien à la détermination de ceux et celles qui luttent pour leur existence,
Note: Si mes commentaires risquent de vous valoir l’expulsion sur le territoire de la RDC, veuillez les ignorer. Je ne vous souhaite pas la perte d’emploi.
Vraiment ravi de la sincérité du magazine afrikarabia.C’est pourquoi je veux être l’un des vos correspondants si cela ne vous dérange.sé Son altesse Prince Ley Akilimali.