Des opposants djiboutiens ont manifesté devant un appartement du président Ismaël Omar Guelleh à Paris. « Un bien mal acquis », selon un collectif, qui demande à la France « d’entendre enfin la voix de l’opposition », toujours victime d’une importante répression.
Ils étaient une quinzaine samedi 15 juillet devant le domicile parisien du président djiboutien, 91 avenue Henri Martin, un imposant immeuble du très chic 16ème arrondissement. Tous opposants au président Ismaël Omar Guelleh réunis dans la Coalition de la Société Civile de Djibouti. Le premier message envoyé par le collectif est en direction des ONG internationales et concerne la dénonciation « de biens mal acquis ». « On parle du Gabon, du Congo, de la Guinée Equatoriale, mais le cas de Djibouti n’est jamais mentionné » explique Mahamoud Djama, un représentant du collectif. Selon la coalition CSC Djibouti, Ismaël Omar Guelleh possèderait de nombreuses résidences de luxe, dont ces appartements de l’avenue Henri Martin, mais aussi aux Etats-unis, au Canada ou à Dubaï. Le collectif souhaiterait que les ONG spécialisées dans les biens mal acquis puissent enfin s’occuper du dossier Guelleh. « Un petit pays, certes, déclare Mahamoud Djama, mais dont des millions d’euros traînent dans les paradis fiscaux ».
« La Françafrique toujours vivante »
Le deuxième message des opposants djiboutiens est en direction du nouveau président français, Emmanuel Macron. « Ce n’est pas en aidant les dictateurs africains que l’Europe va résoudre l’immigration ou la pauvreté en Afrique » dénonce Mahamoud Djama. « Il faut que la France discute, non pas avec les pyromanes, mais avec les démocrates ». Et cet opposant de regretter qu’à ce jour « aucun responsable de l’opposition n’a été reçu à l’Elysée, alors que tous les dictateurs y passent. Il y a eu Idriss Déby et il y aura Ismaël Omar Guelleh. La Françafrique que l’on a promis plusieurs fois d’enterrer est toujours bien vivante. »
« Pas de pause dans la répression »
En attendant, la répression politique continue à Djibouti dénonce cette coalition d’opposition. En décembre 2015, la répression policière sur l’opposition djiboutienne a atteint un niveau de violence sans précédent. Une réunion de la plateforme d’opposition USN, a tourné à l’affrontement avec la police. Bilan : au moins 27 morts et des dizaines d’arrestations – voir notre article. Depuis, les arrestations arbitraires et les procès expéditifs se poursuivent dénonce Mahamoud Djama. Après 7 ans de détention sans jugement, l’opposant Mohamed Ahmed, dit Jabha, a été condamné en juin à 15 ans de prison. « C’est un homme malade, atteint d’un cancer qui aurait pu être gracié, mais même son avocat français n’a pas pu venir plaider à Djibouti ». Pour cet opposant, il n’y a pas eu de pause dans la répression depuis la réélection contestée du président Guelleh. « Tous les jours, il y a des arrestations. Dernièrement, une bande de jeunes qui faisaient des sketchs pour dénoncer la situation à Djibouti ont été arrêtés et leurs papiers d’identité confisqués. Des cadres du MRD (parti d’opposition) ont également été emprisonnés et un mandat d’arrêt attend maintenant le président du mouvement à Djibouti. »
« Alerte rouge sur Djibouti »
Si ces opposants djiboutiens comprennent qu’il y a des intérêts entre les deux pays, et notamment la présence militaire française dans cette zone stratégique, la Coalition de la Société Civile de Djibouti demande à la France de discuter aussi avec l’opposition. Car selon Mahamoud Djama, « il y a un risque réel de déflagration à Djibouti. Et ce n’est pas après l’explosion du pays qu’il faudra aider Djibouti. C’est aujourd’hui qu’il faut agir et nous lançons ce message d’alerte à la France. Il y a alerte rouge sur Djibouti. La France doit faire pression sur le pouvoir djiboutien, écouter l’opposition et discuter avec la société civile. Après, il risque d’être trop tard. »
Christophe RIGAUD – Afrikarabia