A moins de cinq mois de la présidentielle, l’opposition dénonce une violente répression policière qui aurait fait 25 morts et 150 blessés ce lundi. L’Union pour le salut national (USN) s’inquiète « d’une situation insurrectionnelle » et d’un climat de « fin de règne », alors que le président Ismaël Omar Guelleh est candidat pour briguer un quatrième mandat.
La tension politique tourne à l’affrontement à Djibouti alors que se profile l’élection présidentielle d’avril 2016. La répression est montée d’un cran lundi 21 décembre 2015 au cours d’une cérémonie rituelle de la communauté Yonis Moussa dans la localité de Buldhuqo, en périphérie de Djibouti-ville. Interdit par les autorités, ce rassemblement a été violemment dispersé par les forces de l’ordre. Selon le représentant de l’Union pour le salut national (USN) en France, Maki Houmed-Gaba, « une dizaine de camions de police remplis d’agents surarmés sont arrivés sur le lieu et ont tiré sur la foule à balles réelles ». Pour cet opposant, le bilan est très lourd : « 25 tués par balles et 150 blessés ».
Descente de police
D’après l’USN, la principale coalition d’opposition djiboutienne, ces violences sont politiques. La police serait intervenue à Buldhuqo « en raison de l’affiliation de l’opposant Abdourahman Boreh, de l’USN, à la famille de Yonis Moussa » affirme Maki Houmed-Gaba. Mais la répression ne s’arrête pas là, ce lundi à Djibouti. La même journée, les forces de l’ordre ont ensuite débarqué lors d’une réunion de l’USN, censée faire le point sur les répressions de Buldhuqo. « La police a défoncé la porte du domicile de Maître Djama Amareh Meidal, conseiller juridique de l’USN, en tirant à balles réelles et au lacrymogène, provoquant de nombreux blessés graves parmi les dirigeants de l’USN » explique le représentant de la coalition en France.
Disparition
Le président de l’USN a été bousculé et admis à l’hôpital Bouffard de Djibouti avec une fracture du bassin et un député de l’USN, Said Houssein Robleh, a également été grièvement blessé par balle, selon le rassemblement d’opposition. Plus inquiétant encore, le secrétaire général de l’USN, Abdourhaman Mohamed Guelleh , a été amené « vers une destination inconnue ». Mais la répression contre l’opposition djiboutienne avait en fait débuté la veille, par l’arrestation de Daher Ahmed Farah, porte-parole de l’USN et président du MRD, dimanche 20 décembre au matin. Il est ensuite détenu au commissariat du 3e arrondissement de Djibouti, puis placé en résidence surveillée. Après les violences de lundi, cinq membres de l’entourage de Daher Ahmed Farah ont également été arrêtés le 21 décembre.
« Plusieurs arrestations »
Les autorités djiboutiennes minimisent les violences de lundi. Le ministre de l’Intérieur, Hassan Omar Mohamed, a indiqué dans un communiqué que les forces de l’ordre « avaient été attaquées » lors du rassemblement de Buldhuqo. Côté bilan, Djibouti reconnait pour le moment 7 morts et 23 blessés, dont 9 policiers. Le ministre djiboutien a ensuite accusé « ces individus malintentionnés » de vouloir déstabiliser la pays, « recevant des instructions de la part de parrains qui agissent depuis l’étranger ». Dans ce flot d’informations contradictoires et devant le verrouillage de l’information qui règne à Djibouti, il est encore difficile de recouper les sources de ces différentes versions. Seule certitude : comme l’USN, le ministère de l’intérieur reconnaît « plusieurs arrestations de personnes impliquées dans ces violences (…) qui seront rapidement traduits en justice pour leurs actions ».
Dialogue politique bloqué
Pour l’USN, c’est « une fin de règne » qui se profile à Djibouti à moins de 5 mois de l’élection présidentielle d’avril. Au pouvoir depuis 1999, Ismaël Omar Guelleh est pourtant dans les starting-blocks pour briguer un quatrième mandat, ce que la Constitution, avantageusement amendée en 2010, lui permet désormais. Et le climat politique se tend à mesure que se rapproche la date du scrutin. Un dialogue politique avait pourtant été entamé entre le pouvoir et l’opposition, assorti d’un accord-cadre en décembre 2014. Les bonnes intentions de l’accord paraissent aujourd’hui bien loin : réformes démocratiques, statut de l’opposition, code de bonne conduite… ont été laissés au bord du chemin, laissant place à une violente répression contre l’opposition djiboutienne.
Une répression à l’abri des pressions
En France, seul le Parti socialiste (PS) a haussé le ton dans un communiqué. Maurice Braud s’est inquiété de l’assignation à résidence de Daher Ahmed Farah « pour des motifs sans fondement » et des pressions sur Cheikh Abdourahman Barkat God, « dont la police surveille les accès au domicile ». Le PS condamne « ces tentatives d’intimidation qui visent à museler les principaux dirigeants de l’opposition ». Mais le petit Etat stratégique de la Corne de l’Afrique s’est depuis longtemps détaché de la France en se rapprochant de la Chine, qui devrait ouvrir sa première base navale en Afrique à Djibouti en 2017. Un nouveau partenariat qui permet au président Guelleh de s’émanciper de ses alliés traditionnels que sont les Etats-unis et la France. Un positionnement habile qui permet au président djiboutien de pratiquer une répression politique à l’abri des regards et de toute pression extérieure.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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