Le jour de la fête nationale congolaise avait été transformé en journée test pour Félix Tshisekedi et l’opposition Lamuka. Mais le président congolais trébuche en interdisant et en réprimant la marche de l’opposition, alors que Lamuka échoue à mobiliser dans la rue.
Ce dimanche 30 juin, le nouveau pouvoir de Félix Tshisekedi n’a pas réussi à échapper à la spirale de la répression policière qu’il dénonçait sous la présidence Kabila, alors que la coalition d’opposition Lamuka n’a pas réussi à faire descendre dans la rue les Congolais contre le président Tshisekedi. Personne n’a donc rien gagné dans cette étrange journée, censée commémorer l’indépendance congolaise. Les trois principaux leaders de l’opposition, regroupés au sein de la coalition Lamuka, avaient voulu faire de cette journée, une grande marche pacifique pour dénoncer la corruption du nouveau pouvoir en place à Kinshasa.
« Démocratie et anarchie »
Mais les autorités congolaises s’étaient montrées intransigeantes en interdisant « tout rassemblement de plus de 10 personnes dans les rues ». Une interdiction validée par le président Félix Tshiskedi lors d’un grand entretien sur RFI et France 24. « Nous avons comme l’impression qu’il y en a qui confondent démocratie et anarchie. On ne peut pas, alors qu’on a l’autorisation de manifester, s’en prendre aux paisibles citoyens ou à du mobilier urbain, ce sont des choses inacceptables » avait prévenu le président congolais.
Joue-la comme Kabila
Des propos qui ne sont pas sans rappeler ceux de son prédécesseur, Joseph Kabila, que Félix Tshisekedi combattait à l’époque, et qui déclarait en pleine crise pré-électorale « la démocratie, j’aime bien, mais la démocratie, ce n’est pas la foire ! ». Pourtant, Félix Tshisekedi, maintenant chef de l’Etat, avait assuré qu’il n’y aurait pas de répression, « les forces de sécurité sont formées pour maintenir la paix ». Mais il n’a visiblement pas été entendu par la police congolaise.
Les pneus crevés de Fayulu et Muzito
A Goma la marche de Lamuka a tourné au drame. Les manifestants qui réclamaient « la vérité des urnes » après la victoire contestée de Félix Tshiskedi à la présidentielle de décembre 2018, ont été dispersés par des gaz lacrymogènes, mais aussi à balles réelles, selon des témoins. Une personne grièvement blessée par balle est décédé à l’hôpital. Dans la capitale, Kinshasa, la police a également dispersé la marche interdite, allant même jusqu’à crever les pneus des véhicules de deux leaders de Lamuka, Martin Fayulu et Adolphe Muzito. Ce qui fait dire au candidat malheureux de la dernière présidentielle, Martin Fayulu, que « 59 ans après notre indépendance, la RDC est toujours un Etat autoritaire et répressif » et de dénoncer « la barbarie des policiers du tandem Kabila/Tshisekedi. » Du côté de la police congolaise, on affiche une certaine satisfaction, puisque dans la capitale, aucun mort n’est à déploré, seul un policier a été blessé.
Première manifestation interdite
L’interdiction et la répression de la journée de manifestation de Lamuka n’a évidement rien à voir avec les violences sanglantes lors des fortes mobilisations contre la loi électorale de 2015, qui avait fait au moins 50 morts selon les ONG internationales, ou encore la répression des marches des chrétiens, début 2018, qui avait fait également plusieurs dizaines de victimes et de disparus. Mais pour la première fois depuis son accession à la présidence de la République, l’opposant Félix Tshisekedi doit assumer une interdiction de manifester et la répression qui s’en suit. Une posture que Félix Tshisekedi dénonçait fortement lorsqu’il n’était pas encore dans le fauteuil présidentiel. L’ouverture et la décrispation politique prônées par Félix Tshisekedi au début de son mandat ont donc leurs limites.
La rue laisse encore du temps à Tshisekedi
De son côté, l’opposition congolaise ne parvient toujours pas à contester le nouveau président dans la rue. Même si de nombreux signes indiquent que Félix Tshisekedi reste encore largement prisonnier de son accord politique avec Joseph Kabila, qui lui laisse quasiment aucune marge de manoeuvre, la rue semble vouloir laisser encore un peu de temps au nouveau président pour voir s’il peut réellement s’imposer face à la coalition de Joseph Kabila. Pour combien de temps ? Les leaders de Lamuka estiment que la coalition de circonstance entre Tshisekedi et Kabila ne durera pas.
Une opposition qui doit faire ses preuves
Mais en attendant, les trois poids lourds de l’opposition doivent encore convaincre les Congolais. Jean-Pierre Bemba doit se reconstruire une image de rassembleur et prouver qu’il n’est pas un homme du passé, et qu’il n’est plus l’ancien rebelle aux méthodes brutales du temps où le MLC était un groupe armé. Moïse Katumbi doit démontrer sa réelle capacité à mobiliser les foules, en dehors de fief de Lubumbashi. Et Martin Fayulu, doit prouver qu’il peut continuer d’assumer son statut d’opposant n°1 sans l’appui de ses deux parrains Katumbi et Bemba.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Un pays spécial !!!
« Un pays spécial » avec une « crasse » politique et un peuple quelque peu déroutant !!!