Les 300 délégués du dialogue national, censé régler la crise politique en République démocratique du Congo (RDC), ont adopté l’accord politique prévoyant le report de la présidentielle au 29 avril 2018 et le maintien au pouvoir de Joseph Kabila pendant la transition.

Lundi 17 octobre à 18h20, les 300 délégués ont approuvé « par acclamation » l’accord politique du dialogue national © DR
Tout s’accélère à Kinshasa. Ce lundi après-midi, dans un scénario millimétré, l’avenir politique de la RDC se jouait au même moment… mais dans deux endroits distincts de la capitale congolaise. A la cité de l’Union africaine, se tenait la plénière du dialogue national qui devait valider l’accord politique prévoyant le report des élections, assorti d’une période de transition de presque deux ans, alors qu’à quelques kilomètres de là, la Cour constitutionnelle de Kinshasa devait autoriser la Commission électorale (CENI) à reporter son calendrier électoral. Deux décisions intimement liées qui devaient avaliser le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila, que l’opposition soupçonne de vouloir s’accrocher à son fauteuil au-delà du délai fixé par la Constitution.
Un nouveau gouvernement dans les 21 jours
Sans suspense, à 18h20, les 300 délégués du dialogue national, boycotté par une majeure partie de l’opposition, ont adopté « par acclamation » l’accord conclu ce week-end entre la majorité et la frange pro-dialogue de l’opposition conduite par Vital Kamerhe. L’accord prévoit une refonte complète du fichier électoral, un report de la présidentielle au 29 avril 2018, le couplage le même jour des élections générales et locales en fonction des moyens financiers disponibles et la nomination d’un nouveau gouvernement, dont le Premier ministre sera issu de l’opposition. Un poste qu’occupera sans doute Vital Kamerhe, l’ancien directeur de campagne de Joseph Kabila, passé dans l’opposition en 2009. La mise en place du nouveau gouvernement devrait se faire rapidement, « dans les 21 jours qui suivent la signature de l’accord ». Il faut dire qu’au cours des Concertations nationales de 2013, sorte de prémices ratés de l’actuel dialogue, le remaniement gouvernemental avait dû attendre 14 long mois avant sa nomination effective. Dernière précision, « le nouveau gouvernement sera investi par l’Assemblée Nationale sur base du programme qui devra être approuvé » a déclaré le ministre des relations avec le Parlement Tryphon Kin-Kiey sur son compte twitter, estimant ainsi que « la Constitution a été respectée ».
Le glissement validé par une Cour constitutionnelle sans quorum
Pendant ce temps-là, devant la Cour constitutionnelle, la Commission électorale (CENI) soumettait son avis aux juges sur la demande de report de la présidentielle. Dans un scénario ubuesque, et moins bien huilé qu’à la cité de l’Union africaine, la Cour s’est d’abord retrouvée pour la troisième fois… sans quorum ! En effet, ce lundi, seuls 5 des 9 juges assistaient à la séance. Mais dans une justification plus alambiquée que légale, la Cour s’est décidée à passer outre, estimant « l’état de nécessité » de la requête. Il faut dire qu’au même moment, à la Cité de l’Union africaine, les délégués s’apprêtait à ratifier l’accord politique du dialogue. Après délibération, la Cour a donc annoncé qu’elle approuvait le report de l’élection présidentielle, qui était théoriquement prévue en novembre 2016.
La Lucha appelle à utiliser « l’article 64 »
Pour la majorité de l’opposition, réunie au sein du Rassemblement d’Etienne Tshisekedi, le dialogue « made in Kabila » n’avait d’autre objectif que de maintenir le chef de l’Etat au pouvoir au-delà des limites de son mandat. En boycottant le forum, l’opposition espère encore pouvoir imposer sa solution de sortie de crise : un « régime spécial », avec un président de , en la personne d’Etienne Tshisekedi (cela va sans dire) et surtout le départ de Joseph Kabila au lendemain du 19 décembre, date officielle de la fin de son mandat. Hors dialogue, le Rassemblement compte sur la rue congolaise pour faire plier le pouvoir. Dès le lendemain de la ratification du dialogue, fixée ce mardi, le mouvement prévoit une journée ville morte mercredi 19 octobre, avant une mobilisation plus massive le 19 décembre. Pour le mouvement citoyen La Lucha, « seul l’article 64 de la constitution, qui fait de la résistance à l’imposture politique un droit » permettra de peser sur le camp présidentiel. Selon ces militants, c’est « le peuple qui aura le dernier mot ». Un avertissement à prendre au sérieux, mais que la majorité présidentielle fait mine d’ignorer, espérant bénéficier de « l’effet dialogue » pour calmer les esprits et jouer la carte la plus utiliser par le camp Kabila depuis 15 ans et la plus efficace… celle du temps.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Puisqu’il ne reste plus que 60 jours au pouvoir d’occupation de la RDC, les congolaises et congolais doivent pea²ufiner des stratégies de survie dès à présent à la place que la famine et l’impatience de la réussite des objectifs assignés ne soient affaiblis