Les défis à relever du nouveau premier ministre de République démocratique du Congo (RDC) sont à la mesure des difficultés que traversent le pays : colossaux. Matata Ponyo le reconnaît lui-même, « plusieurs indicateurs sont au rouge » et « beaucoup reste à faire ». Infrastructures, santé, éducation, accès à l’eau ou à l’électricité, corruption… ce ne sont plus les 5 chantiers, mais les 12 travaux d’Hercule qui attendent le chef du gouvernement congolais, avec en prime une nouvelle guerre qui se profile à l’Est.
5 mois après des élections présidentielle et législatives chaotiques et des résultats contestés, le nouveau gouvernement congolais est enfin au travail. Augustin Matata Ponyo a présenté le programme de son gouvernement le 7 mai dernier à l’Assemblée nationale. Et les dossiers urgents ne manquent pas. Au menu : remettre de l’ordre dans le pays, restaurer la paix et relancer l’économie. Car si Matata Ponyo est reconnu pour avoir tenu le cadre macro-économique de la RDC dans les clous des institutions internationales (Banque mondiale, FMI… ), il n’a pas réussi à améliorer un tant soit peu les conditions de vie des Congolais. L’ancien ministre des finances du précédent gouvernement Muzito, aujourd’hui chef du gouvernement a donc du pain sur la planche.
Pour redynamiser l’économie, Matata Ponyo compte s’appuyer sur les « opportunités de développement du secteur agricole », longtemps oublié à la faveur de la rente minière. Son programme vise un taux de croissance de 7% à 15% par an et souhaite voir « éclore le secteur industriel ». Matata Ponyo veut également élever la RDC « au rang de pays à revenu moyen » (entre 976 et 11.906 dollars comme l’Afrique du Sud, le Brésil ou l’Argentine) d’ici la fin 2016 et assainir le milieux des affaires. Sur ce point, le chemin à parcourir est titanesque puisque le récent classement « Doing Business » place la RDC au dernier rang des pays concernant le climat des affaires.
Le programme du nouveau premier ministre congolais ressemble mots pour mots aux voeux pieux déjà formulés en 2003 (lors de la transition), en 2006 (lors du premier mandat Kabila) et enfin en 2012 (lors du second mandat Kabila)… sans résultats concrets depuis 9 ans. En 2012, 71% de la population congolaise vit encore avec moins de 1 000 francs (1 USD) par jour.
Pour être crédible, le programme de Matata Ponyo devra être financé. Or, pas un mot sur les recettes escomptées et encore moins sur le budget pour l’année à venir. Avec un peu plus de 6 milliards de dollars de budget (en 2011), l’Etat congolais n’a pas vraiment les moyens de financer ses ambitions. La corruption gangrène toujours le pays, au point de la rendre « endémique », comme le décrit le dernier rapport de l’ONG Transparency International. Ce que l’on appelle la « bonne gouvernance » jouit toujours d’un sérieux déficit en RDC.
Dernier point noir du programme gouvernemental : l’insécurité à l’Est et le risque d’embrasement du conflit au Nord-Kivu. Depuis presque 10 ans, Joseph Kabila promet la paix, sans réussir à l’imposer. De manière récurrente, l’Est de la RDC s’enflamme et une dizaine de groupes armées sèment toujours la terreur dans la zone. Le conflit s’est récemment tendu et les combats ont repris avec la fuite et la traque de Bosco Ntaganda et l’apparition du M23 du colonel Makenga. Sans sécurité en RDC, aucun programme économique ne pourra avoir un quelconque effet sur les conditions de vie de la population. Matata Ponyo le sait bien et a fait du retour au calme au Nord-Kivu sa priorité. Pourra-t-il faire mieux que ses prédécesseurs ? Pas sûr, la sécurité en RDC ne dépend malheureusement pas du seul gouvernement congolais.
Christophe RIGAUD
Photo : Kinshasa (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com