Un policier congolais, témoin de l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, a affirmé sur Radio France Internationale (RFI), que le meurtre aurait été commandité par le président congolais Joseph Kabila lui-même. Une accusation qui relance l’affaire Chebeya, à moins d’une semaine de la reprise du procès.
Revoilà Paul Mwilambwe. Témoin clé dans l’affaire de l’assassinat du célèbre militant des droits de l’homme, Floribert Chebeya et de son chauffeur, Fidèle Bazana, Mwilambwe précise ses accusations au micro de RFI. Ce Major de la police, ancien agent de renseignement et chargé de la sécurité des locaux où Chebeya, avait déjà témoigné dans le film du cinéaste Thierry Michel, « L’affaire Chebeya, un crime d’Etat ? ». Dans ce documentaire, Mwilambwe accusait le chef de la police congolaise, John Numbi, d’avoir ordonné l’élimination de Chebeya. John Numbi fait partie du premier cercle des proches du président Joseph Kabila. Mwilambwe avait également révélé le mobile du meurtre. Selon le policier, Chebeya avait en sa possession des documents accablants pour les autorités congolaises concernant la répression des membres du Bundu Dia Kongo (BDK) en 2007 et 2008. Les policiers du Bataillon Simba seraient à l’origine des massacres dans la province du Bas-Congo. Et toujours d’après Mwilambwe, Chebeya tenait ces documents de l’ancien président de l’Assemblée nationale congolaise, Vital Kamerhe, un ancien bras droit de Kabila passé à l’opposition.
Concernant l’assassinat de Floribert Chebeya, Paul Mwilambwe affirmait que le militant des droits de l’homme avait été étouffé à l’aide d’un sac plastique et de scotch. Il déclarait avoir vu le corps de Fidèle Bazana, le chauffeur de Chebeya, qui n’a jamais été retrouvé. Au cinéaste Thierry Michel, Mwilambwbe avait même donné le lieu exact de son inhumation, dans une ferme d’un officier proche de John Numbi à Kinshasa. Quelques jours plus tard, le policier avait été enlevé par la police, de peur qu’il ne parle. Mwilambwe a réussi à s’évader et se cache actuellement dans un pays d’Afrique.
Dans la nouvelle interview, diffusée ce mercredi sur RFI, Paul Mwilambwe va plus loin et précise ses accusations. Pour le policier, il y a un donneur d’ordre derrière John Numbi et il se nomme : Joseph Kabila. Un des policiers, ayant participé au meurtre de Chebeya et Bazana, le « Major Christian » aurait affirmé à Mwilambwe : « j’ai reçu l’ordre du président de la République (Joseph Kabila, ndrl) par le canal du général Numbi« . Avec la mise en accusation de Joseph Kabila, Paul Mwilambwe relance donc l’affaire Chebeya, qui deviendrait donc réellement « un crime d’Etat », si on reprend le titre du film de Thierry Michel.
En 2011, la justice congolaise a condamné à mort le colonel Mukalay, numéro 2 de la police, ainsi que les 3 policiers en fuite, jugés par contumace. Un autre policier a été condamné à la prison à perpétuité et trois autres ont été acquittés. Pour l’instant le général Numbi, suspendu de ses fonctions depuis l’affaire, n’a toujours pas été interrogé par la justice congolaise. Un « scandale » selon les parties civiles, qui le considèrent comme le suspect numéro 1. La Cour devrait rendre son avis sur le « cas Numbi » le 23 octobre lors de la reprise du procès.
Après la diffusion de l’interview de Paul Mwilambwe sur RFI, les autorités congolaises ont dénoncé « un lynchage médiatique » par un témoin qui a « fuit la justice de son pays et qui ne se confie qu’à des médias français« . Selon Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, Mwilambwe « aurait vu quelqu’un qui aurait vu le général Numbi, qui aurait dit que le président Kabila aurait donné les ordres. Même devant un petit juge de quartier, cela ne tient pas la route« .
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo : Floribert Chebeya © DR