Après plusieurs reports, le roi des Belges, Philippe, se rendra pour la première fois en République démocratique du Congo (RDC) du 7 au 13 juin. Une visite officielle pour tourner la page de la colonisation et tenter de renouer une nouvelle relation entre les deux pays, mais qui aura peu d’impact sur la vie des Congolais.
Des hauts… et des bas. Telles ont toujours été les relations complexes entre la Belgique et son ancienne colonie, la République démocratique du Congo. La visite historique de Philippe, le roi des Belges, devrait sceller le net réchauffement entre les deux pays depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi. Il faut dire que la fin du mandat de Joseph Kabila a été particulièrement agitée entre Bruxelles et Kinshasa. La Belgique avait fortement contesté le maintien au pouvoir du président Kabila au-delà des délais constitutionnels, jusqu’à suspendre sa coopération. Kinshasa avait répliqué en fermant la Maison Schengen et en demandant la réduction des vols de la compagnie Brussels Airlines.
Bruxelles donne toujours le « La » sur le Congo
Le départ de Joseph Kabila et la victoire surprise de l’opposant Félix Tshisekedi a changé la donne en 2019. Le nouveau président congolais s’est rapidement rendu à Bruxelles pour renouer les fils d’une relation qui s’était distendue. On parle de « dégel », de « normalisation », et de « redynamisation » entre les deux pays. Les consulats rouvrent alors leurs portes et Bruxelles reprend sa coopération militaire et ses aides financières. Aujourd’hui, Félix Tshisekedi a toujours besoin de la Belgique. C’est en effet Bruxelles qui donne le « La » au sein de l’Union européenne sur le dossier congolais. La Belgique a toujours été un pays-moteur, entraînant généralement le reste des pays membres.
Formation de l’armée congolaise
Les crises sanitaires et économiques, la guerre qui n’en finit pas à l’Est du Congo… Félix Tshisekedi compte toujours sur l’Europe pour l’aider à surmonter les nombreux défis auxquels il est confronté, et reste le plus souvent impuissant. La Belgique est un partenaire clé, quatrième bailleur de fonds du pays après les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Le président congolais attend notamment beaucoup de l’aide militaire belge, qui a récemment déployé des instructeurs pour former l’armée congolaise, toujours en difficulté pour éradiquer les groupes armés à l’Est. Kinshasa a récemment été déçu par les experts américains promis par Washington, et dont l’aide s’est avérée bien maigre et peu efficace.
Tourner la page de la colonisation
Pour Bruxelles, ce voyage est surtout une occasion de tourner la douloureuse page du passé coloniale avec les Congolais. En 2020, le roi Philippe avait déjà fait un pas important en regrettant les « actes de violence et de cruauté » commis à l’époque où son ancêtre Léopold II avait fait du Congo sa propriété personnelle. Le roi avait exprimé ses « plus profonds regrets » pour les « blessures » de la colonisation. Une Commission parlementaire spéciale sur le Congo a également été « chargée de faire la clarté sur l’État indépendant du Congo (1885-1908) et sur le passé colonial de la Belgique au Congo, au Rwanda et au Burundi ». La Belgique s’est aussi engagée à restituer plus de 40.000 objets culturels acquis pendant la colonisation. Et enfin, les deux pays précéderont dans quelques jours à la restitution de la dent de Patrice Lumumba, détenue par la Belgique après son assassinat.
Une visite éloignée des préoccupations des Congolais
Toutes ces bonnes intentions ont pour but de retisser de meilleures relations entre Bruxelles et son ancienne colonie, mais surtout de séduire les Congolais. La Belgique veut montrer qu’une autre coopération est possible avec le Congo. Une « opération séduction » qui se déroule alors que l’Europe perd sérieusement du terrain en Afrique. La Russie, la Turquie et la Chine sont maintenant omniprésentes que le continent. Et en assumant son lourd passé colonial, la Belgique espère pouvoir renouer sa relation privilégiée avec le Congo. Mais tous ces gestes symboliques semblent bien éloignés des préoccupations des Congolais, qui oscillent entre conditions de vie miséreuse et guerre ouverte à l’Est du pays. 78 % de la population vit avec moins de 2 $ par jour, et malgré les richesses de son sous-sol, le PIB par habitant de la RDC reste l’un des plus faibles au monde. La royale visite ne changera malheureusement pas d’un coup de baguette magique les difficiles conditions d’existence des Congolais. Les symboles ne remplissent pas les assiettes vides.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia