Une plateforme de la société civile congolaise (CASMIA) dénonce les dysfonctionnements dans la perception de la redevance minière dans le Haut-Katanga. Au centre des critiques, l’ingérence du gouverneur de la riche province minière.
Les communes rurales et les chefferies du Haut-Katanga bénéficient-elles équitablement de la redevance minière ? Pas systématiquement, si l’on en croit la plateforme « Comprendre et Agir dans le Secteur Minier Industriel et Artisanal » (CASMIA), qui demande davantage de transparence dans la gestion et la perception de cette juteuse redevance. Car si cette manne financière permet aux collectivités territoriales de développer de nombreux projets d’électrification, de construction de routes ou de forage de puits, la plateforme dénonce les ingérences répétées du gouverneur de la province du Haut-Katanga dans la distribution de cette redevance.
Pas de bourgmestre, pas de redevance
Au cours de son enquête réalisée entre octobre 2020 et février 2021 dans cinq « entités territoriales décentralisées » du Haut-Katanga et deux de la province du Lualaba, CASMIA a constaté que la commune de Kambove n’avait jamais perçu de redevance minière. Le motif avancé par les autorités aux enquêteurs de la plateforme était l’absence de bourgmestre depuis la création de la commune en 2013. Pourtant, souligne le rapport, « il existe dans cette entité une équipe dirigée par un chef de bureau, suivi d’un percepteur comptable qui perçoit des taxes dues à la commune ».
Basanga bénéficie de la redevance de Kambove
Une étrange anomalie est alors relevée par l’enquête : les 15% de la redevance minière due à la commune de Kambove ont été « orientés », sur ordre du gouverneur de province, vers la chefferie des Basanga. « Une décision prise à l’époque de l’ancien gouverneur Pande Kapopo et qui reste en vigueur jusqu’à ce jour » note l’enquête de CASMIA. Cette anomalie est d’autant plus étonnante que ce territoire regorge de riches entreprises minières, dont l’activité ne bénéficie pas aux habitants de Kambove.
Des versements sur un autre compte
Mais les dysfonctionnements ne s’arrêtent pas là. Dans la chefferie des Basanga, qui profite déjà anormalement de la redevance de Kambove, aucune des 19 entreprises minières ne paie sa quote-part à la collectivité territoriale. Selon les enquêteurs de la plateforme CASMIA, toutes ces entreprises versent régulièrement la redevance minière sur un autre compte que celui de l’entité territoriale « sur instruction de l’actuel gouverneur du Haut-Katanga », Jacques Kyabula Katwe.
Un compte et des projets gérés par le gouverneur
A Panda, une commune de Likasi, la deuxième ville de la province du Haut-Katanga, le manque de transparence dans la gestion de la redevance minière inquiète également les enquêteurs. Après avoir perçu un cumul de six mois de redevance, le gouverneur de la province aurait donné l’ordre aux entreprises de la commune de verser les sommes sur un autre compte qu’il gère lui-même. Selon la plateforme CASMIA, la commune de Panda n’a plus perçu de redevance depuis 2019. C’est la province du Haut-Katanga qui aurait reçu les contributions des entreprises. Le rapport dénonce une ingérence du gouverneur qui lui permet de gérer directement les projets financés par la redevance sur la commune de Panda.
Le gouverneur muet
La plateforme CASMIA demande à l’agence de prévention de lutte contre la corruption (APLC) de mener des enquêtes sur le manque de transparence du versement de la redevance minière. Elle souhaite également que le parquet général ouvre une information judiciaire contre le gouverneur du Haut-Katanga pour « soupçons de détournement de redevance minière ». Mais aussi de faire cesser la perception illégale par les divisions provinciales des mines de 5% sur la redevance minière due aux entités territoriales. CASMIA a adressé deux courriers au gouverneur du Haut-Katanga pour qu’il apporte ses éclaircissements sur la gestion de la redevance… sans suite jusqu’à maintenant.
Christophe Rigaud – Afrikarabia