Le dialogue politique semble avoir validé une révision complète du fichier électoral qui repousse à plusieurs mois les prochaines élections. Un report de la présidentielle qui devrait voir naître un gouvernement de transition. Avec deux questions : qui pour en prendre les rênes, avec ou sans Joseph Kabila à la présidence ?
A mi-parcours, le dialogue politique qui se tient à Kinshasa entre la majorité et une partie de l’opposition laisse entrevoir les contours d’un consensus autour du fichier électoral. Entre utiliser un fichier contesté, le réviser partiellement ou complètement, les 280 délégués semblent pencher pour cette troisième option. Inconvénient : ce scénario repousse (au mieux) d’une année les élections, ouvrant la voie à une période de transition et d’incertitude au Congo. Ce « glissement » du calendrier électoral, que les autorités justifient par le manque de moyens financiers et la révision nécessaire des listes électorales, a longtemps été dénoncé par l’opposition congolaise. Cette dernière estime que la majorité présidentielle a volontairement retardé le processus électoral pour permettre à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de la fin de son mandat, prévue le 19 décembre 2016.
Nouvelle inversion du calendrier ?
Mais la transition pourrait être encore plus longue que prévue. La majorité défend une nouvelle idée devant les délégués du dialogue : inverser le calendrier et commencer le processus électoral par les élections locales et le terminer par l’élection présidentielle. Un subterfuge qui permettrait à Joseph Kabila de rester au pouvoir au-delà de l’année supplémentaires demandée par la Commission électorale (CENI) pour réviser le fichier électoral. La ficelle est d’autant plus grosse que les élections locales de 2015 avaient déjà été reportées, jugées « trop complexes et trop coûteuses à organiser ». Pendant le dialogue, l’opposition propose bien évidemment l’inverse : commencer par l’élection présidentielle, puis les législatives et enfin les scrutins locaux. Pour mettre tout le monde d’accord, une option avancée par la société civile plaide pour la tenue des trois scrutins le même jour. Scénario consensuel certes, mais peu réaliste au regard des moyens financiers et des difficultés d’organisation du scrutin dans un pays sans infrastructures.
Quid de Joseph Kabila au soir du 19 décembre ?
Avec un report programmé de l’élection présidentielle de plusieurs mois, une période transitoire va donc s’ouvrir en RDC au soir du 19 décembre 2016, date officielle de la fin du mandat de Joseph Kabila. Une question se pose alors : qui sera aux commandes du pays le 20 décembre 2016 ? C’est justement au forum de trouver un accord politique sur le sujet. Là encore, les avis de la majorité et de l’opposition divergent. Pour le camp Kabila, l’actuel président doit rester en place jusqu’à la nouvelle élection présidentielle, comme vient de l’autoriser très opportunément la Cour constitutionnelle. L’opposition estime que la vacance du pouvoir doit être comblée par le président du Sénat, second personnage de l’Etat, Léon Kengo. Là encore, aucun consensus n’a pour l’instant été trouvé.
Recomposition de l’exécutif congolais
Pourtant la solution d’un gouvernement de transition, avec un Premier ministre et un gouvernement composé de membres de la majorité et de l’opposition semble pourtant se dessiner quelque soit la décision de Joseph Kabila sur son avenir politique. L’issu du dialogue national débouchera automatiquement sur une recomposition de l’exécutif congolais. Reste à savoir ce que fera l’actuel chef de l’Etat. Si Joseph Kabila reste au pouvoir, Léon Kengo tient la corde pour prendre la tête du nouveau gouvernement. Si le dialogue arrive à négocier le départ de Joseph Kabila (peu probable), alors Léon Kengo pourrait occuper la présidence de transition et laisser Vital Kamerhe (seul opposant de poids présent au dialogue) prendre la primature.
Course contre la montre
Une telle décision prise au cours du dialogue réglerait-elle la crise politique en RDC ? Pas vraiment. Rappelons que l’absence de deux leaders importants de l’opposition, Etienne Tshisekedi et Moïse Katumbi, enlève une grande part de la légitimité du dialogue. Se voulant inclusif, le forum se retrouve exclusif et dialogue tourne plutôt au monologue, dénoncent les principaux partis d’opposition qui boycottent la réunion. Seul le retrait de Joseph Kabila créerait un réel électrochoc capable d’apaiser les esprits. Mais cette option ne parait pas la plus réaliste pour le moment. Pour le Rassemblement de Tshisekedi et le G7 de Katumbi, le temps est compté pour Joseph Kabila. D’ici le 20 décembre, l’opposition espère bien jouer la carte de la rue pour exiger le départ du président congolais comme l’exige la Constitution. Une course contre la montre s’est donc enclenchée entre la majorité présidentielle qui veut imposer Joseph Kabila après le 19 décembre pendant le dialogue et l’opposition radicale, qui ne souhaite rien négocier avec l’actuel chef de l’Etat, sinon son départ.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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