Le mouvement rebelle M23 a réorganisé ce week-end sa branche armée. L’Armée nationale congolaise (ANC), l’aile militaire de l’ex-CNDP a été rebaptisée Armée révolutionnaire du Congo (ARC). Un changement de nom qui officialise les nouvelles alliances du M23 avec d’autres groupes armés comme les Pareco ou les Raïa Mutomboki.
Les changements de sigles des mouvements rebelles sont légions en République démocratique du Congo (RDC). Une habitude qui traduit les multiples renversements d’alliances entre groupes armés, mais aussi la volonté de brouiller les pistes quand les circonstances l’exigent. Rien de tout cela dans la transformation de l’ANC (Armée nationale congolaise) en ARC (Armée révolutionnaire du Congo), mais la nuance est subtile et mérite une explication. Même la dépêche de l’AFP annonçant la nouvelle, se prend les pieds dans le tapis en affirmant que « le M23 devient l’Armée révolutionnaire du Congo ». Renseignements pris auprès du M23, le Mouvement du 23 mars garde bien son nom, seule sa branche militaire est rebaptisée.
L’ANC était en effet le « bras armé » de l’ex-CNDP, une ancienne rébellion dont est issu le M23. Les rébellions ont toujours eu un malin plaisir à dissocier les branches militaires et politiques de leurs mouvements, même si le politique est le plus souvent une simple marionnette aux mains des militaires. Si le M23 est essentiellement composé d’ex-membres du CNDP, son aile militaire, l’ANC, n’était plus représentative des nombreuses alliances liées par le M23 avec les autres groupes armés du Nord-Kivu. La création de l’ARC ce week-end répond donc à une nouvelle donne militaire. L’Armée révolutionnaire congolaise, la nouvelle structure, prend donc en compte les nouveaux alliés du M23. Dans cette liste non exhaustive on trouve de nombreux groupes d’autodéfense congolais, comme les Pareco (Patriotes Résistants Congolais), les Pareco Fort, les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï La Fontaine ou les Maï-Maï Mutomboki. Si l’alliance de ces groupes hétéroclites peut paraître « de circonstance », ils ont tous au moins un point commun : la lutte contre le régime de Joseph Kabila et la volonté de le renverser.
Autre nouveauté au sein du M23. Samedi à Bungana, en plein fief rebelle, le président du mouvement, Jean-Marie Runiga, a également annoncé la nomination du colonel Sultani Makenga au rang de « général de brigade ». Une manière d’officialiser le leadership de Makenga sur les autres groupes armés, commandés de nombreux « colonels ».
La création de l’ARC et l’élévation de Makenga au grade de général de brigade constituent deux signaux forts en direction de Kinshasa, alors que les négociations ne sont toujours pas entamées à Kampala. Premier signal : le M23 possède des alliés capables de le suivre au cas où les choses tourneraient mal sur le terrain militaire. Deuxième signal : Sultani Makenga et les « militaires » du mouvement sont bien les maîtres de la rébellion et sont visiblement prêts à en découdre avec Kinshasa. Depuis 3 mois, le M23, qui contrôle une partie du Nord-Kivu, attendait une avancée diplomatique ou un geste de Kinshasa, qui n’est finalement jamais venue. Un officier rebelle nous confiait qu’il s’agissait de « 3 mois perdus » et cachait mal son impatience. Au Nord-Kivu, la situation militaire est toujours figée. Jusque quand ? Le M23 campe à une vingtaine de kilomètres de la ville de Goma, qu’ils menacent de prendre. Dans un communiqué, les autorités congolaises ont dénoncé samedi de nouveaux mouvements de troupes de l’armée régulières rwandaises à Rutshuru, un des fiefs du M23. Le porte-parole du gouvernement accuse le Rwanda de venir en aide aux rebelles et de préparer une nouvelle attaque dans cette zone. Le Rwanda a de nouveau été accusé par un rapport de l’ONU de soutenir le M23. Il est donc fort à parier que le statu quo ne tiendra pas longtemps.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo : Site internet du M23 © DR