L’annonce de la démission de Jean-Marc Kabund de son poste de Premier vice-président de l’Assemblée nationale jette le trouble au sein de l’UDPS. Derrière cet énième psychodrame se profile les luttes intestines au sein du pouvoir entre les historiques du parti et le cabinet présidentiel.
Le navire UDPS tangue une nouvelle fois. Il faut dire que la vie des militants du parti présidentiel n’a jamais été de tout repos depuis l’arrivée à la tête de l’Etat de Félix Tshisekedi début 2019. Les partisans de feu Etienne Tshisekedi, ont d’abord dû composer avec une bien étrange coalition avec Joseph Kabila, qui détenait alors la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Une alliance contre-nature, qui avait déjà fait grincer des dents pour les purs et durs du parti. Mais l’accession à la magistrature suprême de l’un des leurs, a surtout creusé un fossé abyssal entre le parti et la présidence, composée par un aréopage de nouveaux venus de la diaspora. Il a fallu enfin accueillir les nouveaux alliés de l’Union sacrée, la plateforme présidentielle, qui compte une majorité d’anciens kabilistes. Autant dire que les couleuvres ont été nombreuses à avaler.
UDPS contre garde présidentielle
La dernière affaire qui secoue l’UDPS concerne le patron du parti et actuel Premier vice-président de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund. Une vidéo, qui a rapidement fait le tour des réseaux sociaux, montrait des policiers de la garde rapprochée de Jean-Marc Kabund interpeller violemment un soldat de la garde présidentielle qui roulait à contre-sens. Le lendemain, le domicile du chef de l’UDPS est victime d’une expédition punitive de la garde présidentielle, qui saccage la luxueuse villa de Jean-Marc Kabund. Là encore, les images sont largement relayées sur la toile, suscitant l’indignation des militants du parti, mais laissant étrangement muet le président de l’Assemblée nationale, les caciques du parti, le gouvernement, et surtout… le président de la République.
Rupture avec Tshisekedi ?
La réaction de Jean-Marc Kabund ne s’est pas fait attendre après l’incident. Sur son compte Twitter, le patron de l’UDPS a dénoncé les « brimades » et les « humiliations » et a annoncé sa démission de Premier vice-président de l’Assemblée nationale. « Ainsi s’ouvre une nouvelle page de l’histoire » a conclu Jean-Marc Kabund. Si le chef du parti présidentiel a déclaré devant ses partisans vouloir réfléchir encore un peu, cet épisode marque une nette fracture entre une partie de l’UDPS et le chef de l’Etat. La rupture entre Kabund et Tshisekedi semble plus proche que jamais. Il faut dire que le trublion du parti présidentiel n’en est pas à son premier coup d’éclat. « Grande gueule » de la majorité, Kabund s’était déjà accroché avec le chef de la police, alors que ses partisans voulaient entrer dans l’enceinte de l’Assemblée nationale au moment du renversement de la présidente de la chambre basse, la très kabiliste Jeanine Mabunda.
Kabund absent de la tournée présidentielle
Populaire chez les militants historiques de l’UDPS, Jean-Marc Kabund, est également une personnalité qui divise. Notamment au sein du cabinet présidentiel qui pilote en sous-main la politique gouvernementale. Depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi à la présidence, Kabund est en guerre permanente avec les conseillers du chef de l’Etat, qui lui reprochent de vouloir jouer le rôle de « président-bis ». Signe des tensions entre le président et le chef de son parti : l’absence très remarquée de Jean-Marc Kabund lors de la tournée de Félix Tshisekedi dans les Kasaï. Mais ce qui taraude les militants UDPS, et Jean-Marc Kabund en particulier, c’est la stratégie mise en place par Félix Tshisekedi en vue des élections de 2023. Le débauchage des députés FCC pro-Kabila pour composer l’Union sacrée avait déjà suscité des critiques, mais le récent ralliement de piliers du kabilisme, comme Evariste Boshab, ou Adolphe Lumanu interroge au sein du parti présidentiel.
Coup de pression
En annonçant sa démission de son poste de Premier vice-président de l’Assemblée, Kabund lance un avertissement à Félix Tshisekedi : la présidentielle ne pourra pas se gagner sans l’UDPS, ses militants et ses cadres. La guerre larvée entre les différents clans au sein du pouvoir (parti, cabinet, gouvernement, famille…) a fait beaucoup de dégâts. Le coup de pression de Kabund sur Tshisekedi est également calculé, et il entend bien montrer au président qu’il est une des clés de voûte du « système Tshisekedi ». Le patron du parti sait bien qu’il est l’un des artisans de la délicate construction de l’Union sacrée, mettant de l’huile dans les rouages lorsque cela est nécessaire, notamment entre les kabilistes et les durs de l’UDPS. Tshisekedi n’a peut-être pas intérêt à lâcher Kabund à moins de deux ans de la présidentielle. Nous le saurons, si Kabund décide de faire marche arrière et de renoncer à sa démission. Mercredi 19 janvier, aucune démission n’avait été déposée à l’Assemblée nationale.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Permettez que je rappelle avant tout que le fait queTshisekedi PR reste en même temps président actif d’un parti politique – exprès Kabunda n’est qu’un président intérimaire – est quelque part une violation de l’esprit et même peut-être de la lettre de la Constitution. Cela explique aussi la tournure qu’a pris ce feuilleton.
On s’est excité et on a eu raison de ne voir qu’un un Kabunda frondeur envers son patron et puni en conséquence : une guerre de la base et du haut, entre les militants historiques et le cabinet présidentiel. C’est vrai mais ne faut-il pas regarder plus à fond : c’est cela mais en même temps plus que cela, l’évolution péjorative normale d’un pouvoir qui continue à brandit l’État de droit d’abord comme un slogan mais l’applique selon ses profits immédiats. Les luttes intestines au sein d’un groupe sont courantes et plutôt logiques, celles dans l’Udps n’expliquent-elles pas aussi ou d’abord une escalade autoritaire de plus au sein du pouvoir en place ?
Il n’est en effet un secret pour personne que Tshisekedi est plus que jamais résolu à rempiler en 2023 et entend rester le seul maître à bord du pays même à l’intérieur de son parti et son lieutenant Kabunda à qui il avait confié d’autorité de conduire l’Udps en même temps qu’il était premier vice-président de l’AN commençait à lui faire beaucoup d’ombre. Voilà pourquoi il n’a pas hésité de lui infliger cette expédition punitive via la GR pour faire taire ses velléités d’indépendance.
Ce dernier a commencé par annoncer sa démission se sentant humilié et croyant même tourner une « page nouvelle alors que c’est une page qu’on inscrit contre lui. Ensuite via son Chef de cabinet il renonce à démissionner alors qu’entre-temps les leaders des groupes parlementaires membres de l’Union sacrée et députés du parti présidentiel ont publié un communiqué pour le désavouer et invitent les membres des autres structures de la formation de Tshisekedi à « tirer les conséquences qui s’imposent.. Un député national de l’Union sacrée (Eliézer Tambwe ) a même annoncé qu’on va le pousser par force s’il ne démissionne pas de lui-même tandis qu’à l’interne certains (Kazadi, Thilumbu…) ont clairement émis le souhait de son exclusion en raison de ses nombreux dérapages politiques, comportementaux et judiciaires. Kabund ne s’est-il pas trop vite enfermé dans un engrenage guidé par ses émotions qu’il regretterait aujourd’hui après réflexion et remise en perspective de ses fonctions ? Que vaut encore après ça la ferveur en sa faveur des combattants Udps qui ont assiégé sa résidence pour le prier de revenir sur son annonce de démission ?
Aujourd’hui on a encore du mal à deviner le destin personnel de Kabunda : une rupture complète ou partielle d’avec Tshisekedi ? Selon moi c’est d’abord le patron Tshisekedi qui veut signifier à son lieutenant qu’il n’ya pas place pour deux califes au sein de la royauté. Les divergences internes apparaissent alors pour ce qu’elles sont un épiphénomène et/ou un prétexte pour faire valoir la logique d’un pouvoir fort qui s’affirme au fil de son avancée d’autant qu’il est engagé à briguer d’autres échéances. Même ceux qui au début manifestaient quelque sympathie ou compassion envers un Kabunda victime des brutalités de la GR le leur pardonnent presque, une GR plus tshisekedienne que jamais, ils se sont presque tous rangés du côté de la primauté du pouvoir en place.
Quelques questions : que pense et fait le peuple de cet imbroglio, que pense et fait l’opposition du moins celle de Lamuka et que pense et fait la fameuse CI, Usa en tête ? Attendons la suite…
Oh my goodness, j’aime son analyse.